Le 1er mai, la France, comme de nombreux pays, célèbre la journée internationale des travailleurs et travailleuses – qualifiée plus communément de « Fête du Travail ». A cette occasion, la Diair a souhaité valoriser l’engagement d’une entreprise solidaire et écoresponsable qui œuvre à l’insertion professionnelle des femmes réfugiées.
Découvrez l’interview de Charlotte Leluc, fondatrice de « Bande de cheffes », traiteur solidaire et éco-responsable dont la cuisine est faite 100% maison.
- Pouvez-vous nous présenter votre parcours?
Je m’appelle Charlotte Leluc, j’ai créé Bande de Cheffes en 2021 avec l’objectif de permettre à des femmes réfugiées d’accéder à une activité salariée. J’ai créé une entreprise à la fois solidaire et écoresponsable, car pendant 20 ans j’ai travaillé pour la solidarité en tant que salariée à la Croix-Rouge française puis au ministère en charge de l’Économie sociale et solidaire. J’ai ensuite travaillé à la ville de Paris auprès de l’Adjointe à la maire en charge de l’accueil des réfugiés à partir de 2016. C’était un moment où se posait la question de l’accueil des réfugiés à Paris, même si elle est toujours d’actualité aujourd’hui. Toutes ces expériences m’ont donné l’envie de créer ma propre entreprise de l’économie sociale et solidaire. L’objectif pour Bande de cheffes est de permettre aux femmes réfugiées de prendre confiance en elles, et de leur faire prendre conscience qu’elles peuvent vivre de leurs propres expertises et non des subventions ou de la charité.
A plus long terme, l’idée est de montrer qu’une entreprise peut la fois être à l’équilibre et être vertueuse des points de vue social et environnemental.
- Pourquoi avoir choisi de lancer un projet dédié aux femmes?
Mes six années passées à la ville de Paris sur l’accueil de réfugiés auprès de Dominique Versini, l’Adjointe à la maire notamment en charge de ce sujet sur le précédent mandat, m’a montré que s’il est difficile pour tout un chacun de trouver du travail en France, ou quel que soit le pays d’accueil, ça l’est encore plus pour les femmes réfugiées. Une anecdote illustre parfaitement ce phénomène : chaque personne avec qui je parle de Bande de Cheffes, que ce soit à titre privé ou professionnel, me demande assez rapidement « comment fais-tu pour trouver ces femmes et les recruter ? ». J’ai réalisé à ce moment que c’est parce que les femmes réfugiées sont totalement invisibilisées, en particulier sur la scène professionnelle car elles ne travaillent pas ou n’ont pas de poste valorisé dans la société (femmes de ménages, restaurations, garde d’enfants…).
Au contraire, chez Bande de Cheffes on a pour objectif de les mettre sur le devant de la scène afin qu’elles prennent conscience de leurs compétences et de leurs expertises et plus encore, de tout ce qu’elles peuvent apporter à la société d’un point de vue global. On travaille beaucoup sur la question de la confiance en soi, sur ce que cela signifie d’être ambassadrice de Bande de Cheffes afin qu’elles s’approprient l’entreprise, et qu’elles soient fières de la représenter. On a pu observer que l’une des personnes qui a eu le plus de difficulté à avoir confiance en elle au sein de l’équipe a mis six mois à nous livrer sa première recette tandis que les autres y arrivaient plus vite. Après les six mois, elle a vu que son plat était apprécié et qu’elle avait le droit à l’erreur. A Bandes de Cheffes, on s’appuie sur les forces et non les faiblesses. Aujourd’hui cette femme est en pleine éclosion, elle a mis seulement un mois à nous livrer sa seconde recette.
Actuellement elles sont environ 5 cheffes réfugiées salariées et on a de belles perspectives de développement. J’espère qu’à la fin de l’année on sera en capacité de recruter 10 cheffes cuisinières réfugiées.
- Comment Bande de Cheffes agit pour lutter contre les barrières à l’entrée dans le milieu professionnel?
Comme d’autres entreprises pourraient le faire, nous proposons des formations professionnelles officielles, un apprentissage des normes d’hygiènes et ce qui peut être en lien avec le milieu de la restauration. Un des enjeux majeurs de Bandes de Cheffes est d’éviter une potentielle déperdition des talents et des compétences des personnes réfugiées à cause d’un manque de réseau, de connaissance des codes professionnels en France ou de maîtrise de la langue française. Certaines d’entre elles n’ont pas un niveau linguistique assez élevé pour accéder aux programmes de formations classiques. Ainsi, nous demandons durant la phase de recrutement non seulement d’aimer cuisiner mais aussi de s’inscrire dans une démarche d’apprentissage du français.
- Comment recrutez-vous vos cheffes?
Du fait de mes précédentes fonctions professionnelles et de l’activité depuis 2 ans de Bandes de Cheffes, je suis en relation avec l’écosystème de l’accueil des réfugiés. C’est grâce à cet écosystème que j’ai recruté les femmes avec qui je travaille : elles étaient déjà connues et aidées par les associations de solidarité et d’accompagnement sur le plan administratif et médico-social, telles Emmaüs Solidarité, l’école FAIR, FTDA, L’armée du Salut et de nombreuses autres.
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