Article réalisé par Territoires audacieux pour la délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés le 17.06.2020.

Pour remédier à l’isolement des réfugiés pendant le confinement et créer du lien social avec les français, l’association Singa a créé AlloMondo. Un programme permettant de former des binômes entre français et réfugiés à distance. Nous avons rencontré Özgecan Abdulazizoglu, coordinatrice de la région Île-de-France chez Singa, pour en savoir plus.

Depuis 2016, le programme « Buddy » de l’association Singa permet de créer du lien social entre réfugiés et français en associant des binômes autour de centres d’intérêt communs. Mais l’épidémie de Covid-19 et le confinement ont mis un coup d’arrêt à ces rencontres physiques. Alertés sur l’isolement des réfugiés, les équipes de Singa ont cherché une alternative. Ainsi est né le projet AlloMondo, un service créant des binômes réfugié/français à distance et que la DIAIR, parmi d’autres, a souhaité soutenir financièrement afin de lui permettre de voir le jour. 

 

Des binômes sur mesure

Le principe est simple : Toute personne réfugiée ou française intéressée par AlloMondo remplit un questionnaire, soit sur internet, soit par téléphone si besoin. La personne renseigne ses centres d’intérêt, ses disponibilités et sa localisation. En quatre jours maximum, les équipes de Singa envoient à la personne un SMS ou un mail lui indiquant qu’elle a un binôme, une personne d’une autre culture, partageant des centres d’intérêt communs. Ensuite, les deux personnes décident ensemble des conditions d’appel : l’outil de communication, la vidéo ou l’audio, la récurrence et la durée des appels. « Ils peuvent également s’appeler par l’intermédiaire de notre numéro de téléphone, explique Özgecan Abdulazizoglu. Cela leur permet de rester anonyme s’ils le souhaitent, notamment au début ».

Un accompagnement libre

Pour faciliter ces échanges et lancer la conversation, AlloMondo envoie aux binômes des challenges ou des questions du type : « Comment imagines-tu ta vie dans 5 ans ? » ; « Qu’est-ce qui est important pour toi dans la vie ? » ; « Si tu avais un pouvoir magique, qu’est-ce que ça serait ? ». « L’idée est de pouvoir dynamiser l’échange, ajoute Özgecan Abdulazizoglu. C’est un simple outil de facilitation. Autrement, les conversations sont totalement libres ». Les personnes sont également accompagnées individuellement par Singa. L’association répond à leurs questions. Ils veillent au bon fonctionnement des binômes et peuvent les changer s’ils ne fonctionnent pas bien. À ce jour, plus de 300 personnes sont inscrites au programme AlloMondo et plus de 110 binômes discutent.

Un essai concluant

Après trois mois de fonctionnement, le bilan est très positif pour Özgecan Abdulazizoglu : « Ce qui est beaucoup ressorti, c’est que les gens ont pu s’engager et se rendre utile tout en restant chez soi, sans que cela n’entrave leur vie de famille. » Pour certains, c’était la première fois qu’ils échangeaient avec une personne d’une autre culture. C’était pour certains l’occasion de se livrer personnellement : « Un réfugié a écrit une chanson, qu’il chante pendant ses appels téléphoniques » raconte Özgecan Abdulazizoglu. Le lien physique restant indispensable, l’objectif est que les binômes qui le souhaitent puissent se rencontrer en chair et en os. « C’est là que l’intégration commence vraiment et qu’une relation plus profonde peut se créer. » ajoute Özgecan Abdulazizoglu. Pour autant, l’association Singa a vu qu’il y avait un vrai intérêt à nouer une relation à distance avec une personne inconnue. C’est une bonne première étape qui permet ensuite d’envisager une rencontre plus approfondie. Cette période a finalement fait évoluer le programme Buddy, qui devient AlloMondo.

 

Témoignage : Coline et Amneh, se sont rencontrées grâce à AlloMondo

Céline et Amneh, toutes deux âgées de 26 ans, ont fait connaissance grâce à AlloMondo. Coline est française. Elle est chef de projet à Paris. Amneh elle, est Syrienne. Arrivée en France en 2018, elle est a obtenu le statut de réfugié. Elle est en master 1 de sciences politiques à Paris. Elle témoigne sur leur vision du programme AlloMondo.


Comment avez-vous connu AlloMondo et pourquoi avoir voulu vous inscrire ?

Coline : Avant le confinement, je commençais à envisager de m’engager pour les réfugiés. Une amie qui connaissait Singa m’a parlé du programme AlloMondo. Ayant plus de temps libre, je me suis dit que c’était le moment de se lancer et de faire quelque chose qui a du sens. Le confinement a été l’occasion de mettre un premier pas dans le monde associatif pour les réfugiés.

Amneh : J’ai découvert Singa sur internet lorsque je suis arrivée en France il y a deux ans. J’ai déjà participé à quelques activités. Pendant le confinement, j’ai suivi les activités de l’association sur les réseaux sociaux et j’ai vu qu’elle avait lancé le programme AlloMondo. Pendant tout le confinement, j’étais dans mon logement étudiant, pratiquement sans voir personne. J’ai donc décidé de m’inscrire pour avoir un lien social et également parler le français, que je ne pratiquais plus.

 

Comment se déroulaient vos appels ?

A : Nous avons commencé à nous appeler courant avril, il y a deux mois. On a rapidement pris le rythme d’un gros appel par semaine. On a décidé ensemble de s’appeler en vidéo. On trouvait plus agréable de se voir.

C : Au début, les questions et conseils donnés par AlloMondo pour alimenter les conversations nous ont bien aidées à démarrer. Ensuite, le courant est vite passé entre nous. Petit à petit, la discussion s’est faite naturellement. Nous avons rapidement échangé autour de nos points communs. Par exemple, nous aimons toutes les deux cuisiner. On se partage des recettes syriennes et françaises et on s’envoie des photos de nos plats.

 

Comment avez-vous appréhendé cette rencontre ?

A : Pour moi, ça n’a pas été difficile. Je suis habituée à discuter avec des français que je ne connais pas, notamment chez Singa.

C : Je n’avais pas d’appréhension particulière. J’étais surtout curieuse de découvrir ma binôme. et de savoir comment les échanges allaient se passer. Le programme AlloMondo est pensé de façon libre et avec beaucoup de bienveillance. Cela permet de ne pas trop se mettre de pression.

 

Qu’est-ce qu’AlloMondo vous a apporté ?

A : J’ai pu améliorer mon français et Coline m’aide à rédiger le mémoire sur lequel je travaille en ce moment. Ça m’a aussi permis de connaître davantage la culture française.

C : En effet, l’échange culturel a été essentiel. On a bien sûr échangé sur la cuisine, mais pas seulement. On a pu discuter de la vision de la France et de la Syrie concernant par exemple la famille et les relations humaines. En quelque sorte, c’est une double rencontre. La rencontre d’une personne et d’une culture.

 

Comment envisagez-vous la suite de votre échange ?

C : On continue toujours de s’appeler depuis le déconfinement, même si on a dû réadapter nos emplois du temps. Nous ne nous sommes pas encore rencontrées en vrai mais on le fera sûrement. On aime beaucoup le cinéma. Peut-être que l’on se rencontrera à la réouverture des salles !