À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars, la Diair met en lumière les parcours d’intégration de femmes réfugiées en France.
8 portraits de 8 femmes venant d’horizons variés sont publiés, pour valoriser la vie qu’elles se sont construites en France, les liens tissés, et la résilience dont elles font preuve.

Elvira est une femme réfugiée en France depuis exactement 8 ans. Un long périple l’a conduite de son Albanie natale à la France avec ses deux petites filles, âgées alors de 5 et 12 ans. Installée à Tours, elle est aujourd’hui salariée à temps-plein à Kodiko, une association qui accompagne les personnes réfugiées dans leur intégration. 

Un départ « pour Disneyland » avec ses filles


Au moment du départ, Elvira ne voulait pas que ses filles soient au courant de ce à quoi elles allaient faire face.
« Nous allons à Disneyland » les a-t-elle ainsi rassurées. 

Si le départ était nécessaire, le choix de la destination n’était pas prédéterminé. En effet, Elvira voue une admiration profonde à l’égard de la culture française et ne manque pas d’en évoquer les grands classiques. Espérant un avenir meilleur, elle choisit donc de se rendre en France. 

Ce n’est que lors de son arrivée qu’elle se trouve, avec ses filles, face à une dure épreuve. Faute de places disponibles, elle se souvient avoir souvent reçu une réponse négative du 115 et s’être retrouvée à la rue. 

Dès son arrivée, les Français ont été « chaleureux et accueillants » ; c’est en tout cas ce qu’elle a retenu de sa première année en France. Elvira entreprend de s’auto-former en langue française pour réaliser ses démarches « Il m’est souvent arrivée de dormir avec mes écouteurs en écoutant les cours de français de TV5 monde ». 


Un parcours professionnel dense 


En Albanie, Elvira a travaillé pendant 10 ans dans le secteur social et médiatique. Assistante sociale à la mairie de Tirana, elle s’est occupée de l’accompagnement de familles en difficulté, notamment de femmes en proie à des violences conjugales. En parallèle de ce travail, elle publiait également des articles au sein de plusieurs journaux albanais pour aborder les questions sociales.  “Mon engagement a toujours eu deux finalités : d’abord j’agis sur le problème en accompagnant les familles, puis j’écris sur le sujet à travers les médias », explique-t-elle.

En France, à sa grande satisfaction, elle est parvenue à faire reconnaître son bac +5 acquis dans son pays d’origine et a ainsi rejoint en 2015 une compagnie théâtrale en tant que chargée de diffusion. Puis elle rejoint l’association Kodiko qui accompagne les personnes réfugiées dans leur intégration. 

Après avoir participé à l’installation de la première antenne de l’association à Tours, Elvira y est devenue salariée à temps-plein. « Bien sûr, je me sens intégrée en France. C’est ce pays qui m’a montré à quel point je suis forte. » lance-t-elle. 

Grâce à sa volonté et son implication, Elvira jouit aujourd’hui d’un important réseau de contacts qui lui permet de mener ses projets à bien. « Je n’ai jamais cru qu’un jour j’aurais la possibilité de rencontrer des députés, maires, chefs d’entreprises, et la ministre du travail ! » affirme-t-elle. 

Toutefois, elle reste particulièrement sensible à la question de l’intégration des femmes réfugiées qui n’est « pas toujours facile ». En effet, son expérience du terrain l’amène à penser que cette population subit encore les effets néfastes d’une tradition répressive à leur égard. 

Aux yeux d’Elvira, l’intégration est un processus simple dont la pierre angulaire est le travail : « Le travail rend les familles heureuses, apprend les codes de la société, et contribue à l’émancipation des femmes. C’est toute la communauté autour de nous qui est impactée grâce au travail ». 


Telle mère, telle fille 


Ses filles n’ont pas ménagé leurs efforts non plus pour s’intégrer en France. Son aînée qui ne parle pas français à leur arrivée devient, en l’espace de 6 mois seulement, capable de corriger les fautes d’orthographe des français. Elvira salue à ce sujet les professeurs de ses filles au collège, dont le rôle a été central dans l’apprentissage de la langue. Mention très bien en poche, au collège comme au lycée, sa fille aînée poursuit aujourd’hui des études supérieures en droit et vise déjà une spécialisation en relations internationales.

 

Une volonté: redonner à son tour

 

Elvira n’a pas de réponse catégorique quand on lui parle d’un potentiel retour en Albanie. « C’est à la fois oui et non ». Elle rêve de l’Albanie certes, mais admet que son avenir est ici en France. Elle aspire à travailler dans les institutions publiques françaises, d’où elle pourra améliorer le quotidien des personnes réfugiées. 

D’ailleurs, avec une profonde sincérité, elle n’a pas manqué d’adresser un message d’espoir à tous ceux qui souhaitent reconstruire leur vie en France. « Il faut être positif. C’est déjà incroyable d’avoir le statut de personne réfugiée. » 

Elvira est devenue propriétaire et s’apprête à s’installer dans son nouveau logement. Elle a également déposé une demande de naturalisation et attend impatiemment la convocation. Elle souhaite qu’un jour, grâce à ce que leur aura donné la France, ses filles soient capables d’apporter du changement dans leur pays d’origine. « Je rêve qu’un jour mes filles travaillent pour l’Albanie en vue de la mise en place d’une démocratie. »