« Je ne connaissais pas le paddle, maintenant, j’en suis l’un des champions à Poitiers », résumait en introduction de la matinée Belard Mushitsi, bénéficiaire d’une action de l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique (UFOLEP)
Ce mercredi 13 mars s’est déroulé aux Amarres la Fabrique#17 organisée par la Délégation interministérielle à l’accueil et l’intégration des réfugiés (Diair) et le Ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques dans le cadre du « Lab’R », le laboratoire de recherche action de la Diair. Intitulée « Intégrer des réfugiés par le sport : une pratique à démocratiser », cette matinée a rassemblé des acteurs de l’accueil et de l’intégration et du monde du mouvement sportif. Personnes réfugiées, associations, fédérations sportives, opérateurs de l’Etat et ministères étaient présents pour réfléchir collectivement aux usages bénéfiques du sport pour les personnes réfugiées.
Une première séquence introductive dédiée aux témoignages de terrain
La matinée a été ouverte par Alain Régnier, délégué interministériel à l’accueil et l’intégration des réfugiés, qui a réaffirmé que la France restait un pays d’accueil et que « la politique d’intégration est essentielle pour permettre aux personnes réfugiées de trouver leur place en France ». Alexis Ridde, chef du bureau élaboration des politiques publiques du sport, a également rappelé que la promotion de l’activité physique et sportive avait été désignée Grande Cause Nationale pour l’année 2024 et que les Jeux olympiques et paralympiques étaient l’occasion de renforcer les liens entre les acteurs du mouvement sportif et de l’intégration des réfugiés. Nina Chini, directrice de cabinet de la Diair, a ensuite recontextualisé le travail mené au sein du Lab’R avec l’ensemble des acteurs de la société civile et des personnes réfugiées. Enfin, après ces prises de parole introductives, des acteurs de terrain ont livré leur témoignage. Parmi eux, le club de football US Argy (Indre), les fédérations UFOLEP et FSGT ainsi que le réseau Les Clubs sportifs engagés ont partagé leurs expériences et la façon dont le sport favorisait l’intégration des personnes réfugiées.
Une deuxième séquence de travail en sous-ateliers
À la suite de cette première séquence en plénière, deux ateliers de réflexion ont été organisés en parallèle. Le premier portait autour de la question « comment favoriser la pratique sportive des personnes réfugiées au quotidien ? ». Le second s’intitulait quant à lui « comment le sport peut-il être davantage utilisé comme levier d’insertion professionnelle des personnes réfugiées ? ».
Un premier atelier dédié à la pratique sportive au quotidien
Divisés en sous-groupes, les participants se sont dans un premier temps penchés sur les multiples freins à la pratique sportive rencontrés par les personnes réfugiées.
Financièrement, l’accès à une licence représente déjà un coût financier et en temps qui peut constituer une réelle barrière à la pratique en club. Le manque de connaissance des dispositifs et opportunités existants ainsi que les liens limités entre le monde de l’intégration et celui du sport participent aussi aux difficultés d’accès à la pratique. Les acteurs du mouvement sportif qui étaient présents appelaient également à un changement de regard sur le sport, qui reste trop souvent réduit à sa dimension « loisir » ou de haut niveau. Enfin, les participants ont relevé que la pratique féminine restait limitée par des freins matériels – les femmes réfugiées ayant souvent la charge des enfants – et culturels, qu’il est essentiel de lever pour leur permettre de bénéficier des apports positifs du sport.
Pour répondre à ces défis, plusieurs pistes de solutions ont été évoquées. La formation est revenue à de multiples reprises comme un levier précieux à mieux mobiliser. Des modules communs pourraient être dispensés aux travailleurs sociaux, éducateurs sportifs et employés des clubs comme des associations afin de renforcer l’interconnaissance entre ces deux écosystèmes et mieux faire comprendre l’intérêt de coopérations renforcées. Agir sur le changement de regard passera aussi par un meilleur outillage des fédérations afin d’accompagner les clubs sur l’accueil de publics spécifiques. Pour la pratique sportive féminine, les participants ont proposé d’ouvrir des créneaux dédiés en invitant l’ensemble de la famille ou des créneaux non mixtes pour initier les pratiques. Des démarches « d’aller vers » sont aussi un pré-requis, en mobilisant les espaces déjà fréquentés par ce public et proposant le sport comme un complément à des pratiques déjà engagées.
Un second atelier sur le sport comme levier d’insertion professionnelle
Lors de cet atelier, les participants sont revenus sur les différentes manières par lesquelles le sport peut jouer un rôle positif en matière d’insertion professionnelle : apprentissage de compétences « transférables » dans le domaine professionnel (travail en équipe, rigueur…), confiance en soi et remobilisation après un parcours d’exil parfois difficile, apprentissage de la langue et création d’un premier réseau professionnel au sein de la société d’accueil, maintien en bonne santé physique et mentale, etc. Le sport est apparu comme un outil précieux en la matière au plan individuel, mais aussi collectif, à l’image des opérations « Des Stades Vers l’Emploi » et autres rencontres entre demandeurs d’emploi et employeurs qui utilisent le sport comme médiateur.
Les freins évoqués par les participants recoupaient fortement ceux évoqués par le premier atelier lors des restitutions : financiers, liens insuffisants entre le monde de l’accueil et du sport ou encore vision du sport comme un simple loisir. Le second atelier a mis en avant plusieurs pistes de solutions spécifiques à l’insertion professionnelle, notamment la nécessité de promouvoir l’ensemble des métiers du sport, pas uniquement le métier de sportif de haut niveau. Comme le rappelait Stéphanie Hocde-Labau « on ne fait pas du football uniquement pour devenir Mbappé, mais on peut découvrir tous les métiers qui se cachent derrière ». La transformation des clubs en acteurs de l’insertion nécessite aussi d’être accompagné. En ce sens, les pouvoirs publics et fédérations pourraient mettre à disposition des outils pour épauler les clubs dans cette démarche. Enfin, l’implication des acteurs économiques dans les programmes d’insertion est aussi une piste à approfondir pour maximiser les sorties positives vers l’emploi.
« On ne fait pas du football uniquement pour devenir Mbappé, mais on peut découvrir tous les métiers qui se cachent derrière.»
Loin d’une activité inutile, la Fabrique#17 a mis en lumière le potentiel immense du sport pour les politiques d’intégration : apprentissage de la langue, maintien en bonne santé, insertion professionnelle… Des liens plus étroits doivent toutefois être construits entre ces deux mondes pour démocratiser son utilisation et qu’il puisse devenir un vrai levier au service des personnes réfugiées. Les suites de la Fabrique et l’implication de l’ensemble des acteurs présents sera nécessaire pour concrétiser ces possibilités !