À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars, la Diair met en lumière les parcours d’intégration de femmes réfugiées en France.

 

8 portraits de 8 femmes venant d’horizons variés sont publiés, pour valoriser la vie qu’elles se sont construites en France, les liens tissés, et la résilience dont elles font preuve.

 

Fatima*, 28 ans, est une jeune femme brillante, pétillante, sans aucune pointe d’accent en français. Alors qu’elle fait ses études dans un pays étranger, elle fait part à ses proches et à un enseignant des menaces auxquelles elle est confrontée dans son pays d’origine. Une chaîne de solidarité se met en place, qui aboutit à l’obtention d’un visa long séjour valant titre de séjour étudiant. Destination : la France. 

Fatima avait déjà eu l’occasion de venir en France, mais dans des circonstances très différentes : « Tout était inédit, bizarre, je n’avais jamais eu à me demander où j’allais dormir, manger ». Par chance, elle a des connaissances à Paris par le biais de ces études et une amie peut l’héberger.

 

Vivre malgré la demande d’asile

 

Très vite, Fatima se rapproche de l’association Réfugiés Bienvenue qui l’héberge pendant trois mois. Puis, elle est mise en contact avec une autre association qui propose des places en Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) spécifique pour les femmes menacées de mariages forcés : « J’entre dans ce dispositif, dans un logement social à côté d’une gare francilienne à 1h de Paris avec des jeunes femmes victimes de mariages forcés. J’avais mes propres clés, un appartement équipé. »

Alors que ses cohabitantes aiment à se retrouver, comme dans une espèce de sororité, Fatima souhaite vivre sa vie toute seule, découvrir la France. Elle s’inscrit en Master de droit à la Sorbonne, fait des stages, ce qui lui permet d’être « juste une personne et pas une demandeuse d’asile ». Mais cette période est également particulièrement difficile. Elle est en dépression du fait d’un stress post-traumatique et est orientée vers un CMP où les rencontres avec les professionnels ne sont pas toutes satisfaisantes. Elle bénéficie cependant de l’écoute d’une psychiatre qui la comprend. De même, le Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles (GAMS) l’oriente vers l’institut de victimologie qui la suit pendant une année. En parallèle, elle essuie un rejet de l’Ofpra. Pour le recours à la CNDA, elle est orientée par le GAMS vers une avocate spécialisée. Elle est bien défendue, la CNDA croit en son histoire et Fatima est rapidement reconnue réfugiée.

 

Avancer face aux difficultés

 

Fatima ne cache pas les difficultés auxquelles elle a été confrontée, qu’il s’agisse de dormir devant la préfecture pour avoir la chance d’avoir un rendez-vous, se voir proposer un emploi en deçà de ses qualifications ou encore ne pas disposer d’un numéro de sécurité sociale après une année de statut. Mais elle garde en tête les réussites acquises au prix de nombreux combats. L’accès à son propre logement a ainsi été un événement très important pour Fatima, tout comme la signature de son premier CDD ou l’obtention de son titre de voyage après avoir été reconnue réfugiée. Ce sont autant de situations où Fatima s’est sentie libre, libre de vivre sans que l’on fouille dans ses affaires, libre de gagner son argent ou encore libre de voyager là où elle le souhaite.

 

Fatima chérit cette liberté qui offre tant d’opportunités :

 

“J’ai le droit de faire mes propres choix. Il y a une forme de liberté que les autres respectent. C’est quelque chose d’inédit. On a le droit d’être ce qu’on veut en France. Si je veux faire médecine, on ne pourra pas me dire que je suis une femme. Si je veux me marier avec une femme, pareil, il y a une loi pour ça”.


Un discours politique construit

 

Après son Master 2, l’accès à un logement et une expérience associative riche, il ne manque plus à Fatima que le CDI de ses rêves. Elle a passé trois entretiens successifs pour un poste dans une association d’aide aux personnes migrantes et espère maintenant recevoir une réponse positive. Elle ne leur a pas mentionné son statut et dit se poser la question de l’intérêt de cette information pour un recruteur.

En attendant le poste de ses rêves, elle se documente et réfléchit aux besoins des personnes réfugiées. Fatima se désole que les femmes en demande d’asile subissent de plein fouet la pénurie de places d’hébergement : « Beaucoup se font agresser. C’est très dur de voir les femmes sans logement à la rue, avec toutes les séquelles qu’elles peuvent avoir sur le long terme. » Elle-même a subi des agressions dans la file d’attente de la préfecture ou en Plateforme de premier accueil des demandeurs d’asile (PADA). Elle plaide d’ailleurs pour la création de PADA uniquement à destination des femmes. Et ce n’est que l’une des propositions d’amélioration qu’elle a exprimées.  

Une chose est sûre, nous entendrons de nouveau parler de Fatima. D’ores et déjà au Conseil d’administration de l’association qui l’a aidée, il est certain qu’elle ne s’arrêtera pas là. 

*Il nous semblait important de publier ce portrait de Fatima, même sous couvert d’anonymat, car Fatima y aborde des questions essentielles liées à l’accueil et l’intégration de jeunes femmes réfugiées en France”