« La santé mentale est un droit humain universel ». Ces mots illustrent le thème de la campagne de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)  à l’occasion de la Journée mondiale de la santé 2023.

 A cette occasion, la DIAIR a souhaité s’entretenir avec le Comede, une association qui œuvre depuis plus de 40 ans en faveur de la santé des exilés. Maila Marseglia, coordinatrice nationale du Pôle Santé Mentale a présenté les actions menées par le Comede et évoqué les enjeux de la santé mentale des personnes exilées. 

 

 

Que fait le Comede ? Quel est votre rôle au sein de cette structure ?

Le Comede est une association de  loi  1901 qui agit en faveur de la santé des personnes exilées, au travers de 4 pôles : un pôle prévention et promotion de la santé, un pôle médical, un pôle santé mentale et un pôle social et juridique. Nous sommes présents au Centre de Santé à Bicêtre, à Paris, ainsi qu’à Marseille, St Etienne, et Cayenne. Nous accompagnons les personnes exilées dans le cadre de consultations et de permanences téléphoniques. En revanche, il est important de comprendre que nous ne nous substituons pas au droit commun, nous essayons au mieux d’orienter les personnes en fonction de leur situation.

Je travaille au pôle santé mentale en tant que psychiatre, je m’occupe de la coordination et de la prise en charge des patients lors des consultations.

Qui sont vos patients ? Sur quels motifs les recevez-vous ?

Les personnes que nous recevons sont dans une situation de détresse sociale. Nous avons établi 8 critères de vulnérabilité : être allophone, être en isolement relationnel, avoir des difficultés à se déplacer, ne pas avoir de protection maladie, être en situation de séjour précaire, ne pas avoir d’hébergement stable, avoir de faibles ressources et avoir des difficultés d’accès à l’alimentation. Nous considérons en détresse social et comme public prioritaire, les personnes qui cumulent au moins 5 de ces critères.

Les personnes en demande d’asile par exemple, font généralement partie des personnes en détresse sociale en raison de leur arrivée récente en France et du cumul des facteurs de vulnérabilité. Le Comede accompagne aussi des groupes particulièrement vulnérables qui ont des difficultés majeures à accéder aux soins et aux droits comme  les femmes, les personnes âgées, les personnes LGBTQIA+ et les mineurs non accompagnés,

Durant leur parcours d’exil, ces personnes connaissent des ruptures, des deuils, des pertes et peuvent être exposées à des événements traumatiques. Une fois arrivées dans le pays d’accueil, elles doivent aussi faire face à des situations complexes de précarité (violences de rue, violences sexuelles etc.). Ce cumul favorise l’émergence de pathologies psychiques sévères, notamment le stress post-traumatique et les troubles dépressifs.

Face à ces situations diverses, l’enjeu est de dépister les pathologies au plus vite car ces troubles ont tendance à s’aggraver avec le temps.

Quels freins dans l’accompagnement en santé mentale ?

Le plus gros frein est lié à l’accès aux soins de manière générale. Les intéressés doivent faire face à un manque d’information et ont des difficultés à trouver la structure à contacter afin d’obtenir une prise en charge médicale.

On constate principalement deux obstacles dans l’accès aux soins. Premièrement, beaucoup de lieux n’ont pas recours à l’interprétariat professionnel, il est donc impossible pour les personnes allophones de s’exprimer dans leur langue et de se faire comprendre par le professionnel de santé.

Deuxièmement, de nombreux professionnels de santé refusent de recevoir le public exilé en considérant notamment qu’il doit être envoyé vers des structures spécialisées en la matière.

Concomitamment à ces deux obstacles, l’ouverture rapide de droits de protection maladie est fondamentale pour l’accès aux soins, afin d’éviter un retard dans la prise en charge ainsi que des situations de crise.

Comment assurer une meilleure prise en charge en santé mentale ?

Il faut avant tout agir sur les déterminants de la santé mentale. C’est-à-dire qu’il faut faciliter l’accès aux droits, l’accès aux soins de manière générale, l’amélioration des conditions d’accueil et permettre aux personnes d’accéder à un logement. Tous ces éléments peuvent avoir un impact négatif sur la santé mentale des exilés.

Afin de fluidifier le parcours de soin et de repérer d’éventuels troubles en santé mentale, il est également important de généraliser la réalisation d’un bilan de santé global.Ce bilan permet d’orienter les patients vers des soins spécifiques en santé mentale.

Par ailleurs, il faudrait former davantage les professionnels de santé. Ceci passe par une sensibilisation à la question de l’interprétariat, afin d’améliorer l’évaluation et le dépistage. Sans interprétariat, il ne peut y avoir de prise en charge efficace. Il faut également former les professionnels aux problématiques liées à l’exil afin qu’ils puissent identifier aux mieux les troubles et prendre en charge les patients, sans les diriger systématiquement vers des structures spécialisées.

Il est essentiel de faciliter l’accès aux soins, en ne perdant pas de vue la question des vulnérabilités. Les personnes exilées que nous recevons vivent dans des conditions précaires et font face à un accueil et une prise en charge inégale. C’est sur ces inégalités que l’on doit travailler afin d’assurer la prévention des troubles psychiques.

 

 

 

 

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