L’esprit civique

Il parle un français parfait, légèrement mâtiné de sonorités étrangères, autant de traces du long périple qui l’a mené de sa Syrie natale à la Turquie, puis à la Belgique et aux Pays Bas pour se terminer en France à l’été 2018. La France où, dit-il, il a immédiatement senti que le voyage allait pouvoir s’arrêter et l’horizon s’éclaircir pour dessiner enfin, quoique vaguement encore, un destin.
Mahmoud Naffakh a aujourd’hui 25 ans et après seulement deux ans en France, il vient de décrocher une place en L2 à Sciences Po-Saint-Germain- en-Laye. Né à Idleb, il commence sa scolarité dans une école française (comme un présage), poursuit ses études en arabe, apprend l’anglais et, quand sonne l’heure du départ en 2014, n’envisage pas une seconde la France comme destination. Il fait deux ans de journalisme en Turquie, un an en Belgique et un an aux Pays-Bas : il en gardera une passion pour l’Europe, ses institutions et son projet politique.

Le parcours du débutant

Lorsqu’il arrive en France à l’été 2018, il entreprend immédiatement d’apprendre le français, « condition première de l’intégration » selon lui. Il se dirige, pour cela, vers l’université Bordeaux-Montaigne et son Département d’Études de Français Langue Étrangère, qui lui permet d’atteindre, en à peine deux semestres, le niveau B2 du Cadre Européen. Mais c’est en août 2019, un an après son arrivée en France, que tombe enfin la nouvelle qui va « tout changer » pour lui : l’OFPRA lui octroie le statut de réfugié politique. « Je suis passé d’une ère de langueur à une ère de fureur », dit-il avec lyrisme.

Après avoir fait l’expérience de l’attente, du temps long où le désœuvrement le dispute souvent à l’abattement, il passe, sans transition, au temps de l’action, de l’ambition, de l’installation dans son pays d’adoption. Il sait qu’il reprendra ses études, mais décide, avant cela, de s’accorder un temps de respiration. Arrive alors l’aubaine du service civique, qui croise son chemin un peu par hasard.

Le bivouac du service civique

Et tout fait sens, tout s’enchaîne : il intègre le dispositif Volont’R imaginé par le Délégué Interministériel à l’Accueil et à l’Intégration des Réfugiés, Alain Régnier « qu’[il] ne remerciera jamais assez » et rejoint l’antenne bordelaise de l’association Unis-Cité. Il parle avec émotion de sa rencontre avec sa coordonnatrice, des missions passionnantes qui lui sont confiées, de son apprentissage auprès des autres en leur donnant son temps et en prenant le sien pour faire un point d’étape, reprendre haleine, enfin.
Son service civique lui ouvre les portes de l’Institut de l’Engagement, dont il devient lauréat au printemps 2020. « Le service civique, c’est un tremplin : aider les autres, c’est aussi s’aider soi-même, se sentir utile plutôt qu’assisté », lance-t-il.

Sciences Politiques

Mahmoud est aujourd’hui en route pour Sciences Po-Saint-Germain-en-Laye où il compte étudier les enjeux migratoires et écologiques qui, pour lui, « sont inextricablement liés ». Il se verrait bien travailler dans les politiques publiques, mais ne veut se fermer aucune porte. Explorer le champ des possibles, tel est dorénavant son objectif.
Il se dit chanceux et ne peut s’empêcher de penser à ceux de ses amis qui n’ont pas eu le même parcours que lui : « le temps d’attente avant la réponse de l’OFPRA peut être particulièrement destructeur », dit-il « alors qu’il pourrait être très profitable si les demandeurs d’asile pouvaient intégrer des dispositifs d’apprentissage du français plus facilement, travailler, commencer à reconstruire leur vie ».
Sa nouvelle vie à lui sera saint-germanoise. Châteaux, parcs et musées nourriront cet esprit vif et passionné, dont la curiosité n’a d’égale que la générosité.
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