En octobre 2020, la Diair s’est associée au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) et à l’Institut français des relations internationales (Ifri) pour mettre en œuvre l’Académie pour la participation des personnes réfugiées.

Ce sont six femmes et six hommes qui animent, avec leur vivacité d’esprit et leurs idées innovantes, la première promotion 2021 – 2022. Afin de mettre à l’honneur leurs parcours d’engagement, la Diair leur consacre une série de portraits.

Un parcours tourné vers la transmission

Mustafa a un parcours pour le moins atypique. Arrivé en France en 1976, à l’âge de 8 ans, pour rejoindre son père ouvrier à Dreux, il retourne seul en Turquie à l’âge de 17 ans, alors que ses parents, pourtant si attachés à leur pays natal, restent en France. Et c’est 32 ans plus tard que Mustafa retrouve son pays d’adoption, cette fois-ci pour fuir les menaces qu’il subit en Turquie.

Après son arrivée en Turquie à 17 ans, Mustafa devient rapidement enseignant puis directeur d’établissement. Malgré son emploi du temps chargé, il veille à faire découvrir le monde à ses élèves : Chine, Canada, Balkans… Cet enjeu de transmission est un véritable fil conducteur dans sa vie, que ce soit auprès de ses élèves, de ses quatre enfants ou des personnes réfugiées auxquelles il vient en aide.

Faciliter l’accès à l’information, un engagement quotidien

A son arrivée en France en 2017, 32 ans après son départ pour la Turquie, Mustafa fait de gros efforts pour être de nouveau à l’aise en français. Il endosse rapidement un rôle de traducteur pour ses proches, ce qui a pu, selon lui, empêcher sa femme et ses enfants de mieux maîtriser le français. Mustapha se fait notamment du souci pour sa fille, jeune adulte, qui a du mal à apprendre le français et est très isolée. L’accès à la scolarité fait en cela toute la différence : son plus jeune fils, qui avait 11 ans à l’arrivée, a pu intégrer une classe d’accueil et a très rapidement appris le français. Quant à ses deux premiers fils, ils ont fait leurs études en Chine jusqu’en 2018 et parlent couramment le mandarin. Après leur arrivée en France en 2019, ils ont débuté des formations en français à l’université, mais la période Covid a été délicate pour eux.

Très rapidement, Mustafa s’improvise interprète volontaire pour d’autres familles réfugiées via le bouche à oreille. Il n’intervient pas seulement en tant qu’interprète, mais bel et bien en médiateur. Il se familiarise avec toutes les démarches : CAF, Pôle emploi, université, scolarisation… et transmet l’information dès qu’il le peut. Le jour de notre entretien, Mustafa avait ainsi informé les membres d’un groupe rassemblant 1000 ressortissants turcs réfugiés en France des démarches pour les demandes de bourses pour le lycée. Des vidéos explicatives sont même réalisées en langue turque. A ce titre, il adhère fortement à la démarche de Réfugiés.info de faciliter l’accès à l’information.

Dans l’impossibilité de retrouver un poste d’enseignant en France et dans l’optique de créer son association, Mustafa songe maintenant à devenir travailleur social pour connaître “toutes les lois” et qu’aucune erreur ne soit commise aux dépens des personnes réfugiées, ce qu’il a lui-même vécu. Mais une reprise d’études à 53 ans n’est pas chose aisée. Une validation des acquis serait possible, mais nécessite un stage de 6 mois en association, ce que le contexte sanitaire rend compliqué. En attendant, il a travaillé six mois de nuit en tant que manutentionnaire.

L’Académie pour la participation des réfugiés, un nouveau défi

Face à une situation professionnelle en suspens, l’Académie pour la participation des réfugiés a représenté un nouveau défi pour Mustafa. C’est via une professeure de l’université d’Orléans que Mustafa entend parler de l’Académie. Il décide rapidement de postuler car le projet l’intéresse, lui qui aime venir en aide aux personnes réfugiées. Six mois plus tard, le pari est gagné, bien que le contexte ait fortement compliqué sa participation à l’Académie. Malgré les réunions systématiques en visioconférence, Mustafa et tous les membres de sa famille ont contracté le Covid et il a perdu des êtres chers dans sa famille élargie. Le travail de nuit a rendu d’autant plus difficile l’adaptation de Mustafa au sein de l’Académie. Les intervenants ont cependant été une grande source d’inspiration pour Mustafa, qui dit avoir beaucoup appris en vue d’accomplir ses rêves.

Mettre en dialogue les communautés et promouvoir les talents de chacun

Mustafa a deux rêves : créer une association pour venir en aide aux personnes réfugiées et fonder une chorale d’enfants “du Moyen-Orient et d’ailleurs”, qu’ils soient turcs, arméniens, kurdes, syriens, afghans, français… Il est convaincu de la nécessité de mettre en dialogue les communautés qui vivent en tension, en particulier les communautés turques et arméniennes. Il s’y emploie en tant que bénévole aux Restos du Coeur où il vient en aide à toutes les familles et interagit avec tous les bénévoles, quelle que soit leur origine.

Il faut chercher les points communs entre les personnes: nous vivons en France, nous sommes bénévoles, nous travaillons ensemble. Au lieu de parler des problèmes, on peut parler des bonnes choses. Si on dialogue, on se rapproche et on se comprend.

Les interactions au sein de l’Académie l’ont renforcé dans l’idée de créer son association. Il veut pouvoir aider les personnes réfugiées, pleines de talent, à réussir leur vie en France.

Il cite ainsi sa femme : “Ma femme est céramiste. Elle peut faire de très beaux vases. Elle crée des objets du début à la fin : céramique, peinture. Elle est également couturière et écrit des contes pour enfants. Il faut pouvoir aider ces personnes qui veulent faire quelque chose de leur vie.

Autre possibilité à l’issue de l’Académie, outre la création de son association : participer à des cercles de réflexion comme le board de la Diair ou encore aider à la traduction en turc de Réfugiés.infos.  Satisfait de sa vie en France, Mustafa se sent “comme un Français dans son pays”; la naturalisation est d’ailleurs en ligne de mire.

Il est conscient que son très bon niveau de français est d’une grande aide dans les interactions : les fonctionnaires sont plus ouverts avec lui et l’aident plus facilement. Ce sera un atout supplémentaire une fois qu’il aura créé son association d’aide aux personnes réfugiées. Il se donne cinq ans pour apprendre toutes les lois “pour aider les gens” tout en travaillant à son projet de chorale de différentes nations. L’objectif ultime? Faire des concerts à Paris devant le Président de la République.

Son message aux personnes réfugiées?

De s’intégrer le plus tôt possible à la société française et d’éduquer leurs enfants comme les autres jeunes en France, pas comme dans leur pays.” Mustafa insiste de nouveau sur cette humanité partagée qui compte tant pour lui : “Respecter les valeurs humaines et les valeurs de la république, c’est important, c’est notre point commun.

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