Il y a 75 ans, le 7 avril 1948, était fondée l’Organisation Mondiale de la Santé. Le 7 avril est devenu la Journée Mondiale de la Santé et, chaque année, cette journée permet d’évoquer  une problématique de santé publique spécifique. En 2023, ce 7 avril portera sur « la santé pour tous », et rappellera l’importance de l’accès universel aux soins, y compris pour les personnes les plus vulnérables. Etre en bonne santé ne relève pas seulement de la condition physique, mais aussi d’une bonne condition psychique et mentale. Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, anthropologue, psychologue clinicienne et directrice de l’Institut Convergences Migration (CNRS) travaille sur la question de la santé mentale chez les personnes exilées et nous rappelle l’importance de la prise en compte de celle-ci pour un bon parcours d’intégration :

  • Quel lien faites-vous entre votre parcours et la thématique de l’exil ?

Mon parcours a débuté par l’anthropologie et la thématique de la grande exclusion, avec notamment l’étude des slums indiens et des favelas brésiliennes. Au début des années 2000, j’ai finalisé ma formation de psychologue et psychanalyste.

En 2010, j’ai rejoint l’hôpital Avicenne de Bobigny et sa consultation en psycho traumatisme, dans son service de psychiatrie. La quasi-totalité des patients que nous accueillons sont issus d’un parcours de migration. Depuis 2023, je suis en parallèle directrice de l’institut Convergences migrations (CNRS) qui rassemble 650 chercheurs sur les questions migratoires et a entre autres pour objectif de promouvoir le dialogue science-société à travers deux types d’actions : l’éclairage critique de l’actualité sur les questions migratoires et un partenariat diversifié avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème engagés sur ces questions.

  • Quelles sont les principales problématiques rencontrées par le public accueilli ?

Il s’agit principalement du trauma intentionnel et complexe subi dans le pays d’origine de la personne, et qui peut être redoublé au cours de la traversée et parfois même à l’arrivée dans le pays d’accueil. On repère chez ces patients des symptômes de stress post-traumatique impliquant des dissociations traumatiques, des reviviscences, une rupture du lien de confiance au niveau de la parole, certaines difficultés cognitives et des stratégies d’évitement. Ces symptômes sont souvent associés à une dépression, ainsi que des troubles psychosomatiques tels que des troubles du sommeil ou de l’alimentation.

  • Vos patients réfugiés ont-ils fait évoluer votre pratique? Si oui, comment ?

L’arrivée de personnes exilées a en effet entraîné la mise en place d’un cadre clinique adapté s’illustrant, notamment, par une collaboration étroite entre les soignants, en particulier entre psychologues et psychiatres, et avec les autres acteurs comme les assistants sociaux. De plus, il faut adapter les thérapies, par exemple en incorporant la dimension du corps, souvent très affecté et meurtri par la violence dans la migration, ou en proposant des groupes thérapeutiques.

Chez les patients désireux de s’exprimer dans leur langue maternelle, il a fallu également mobiliser l’interprétariat, et la question de l’interculturalité est essentielle dans la clinique du trauma auprès d’exilés. Je dirais que les patients que je reçois en consultation sont des échos du monde.


Guide pratique sur la santé mentale pour les personnes situation de précarité ou de migration, Orspere Samdarra

 

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