À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars, la Diair met en lumière les parcours d’intégration de femmes réfugiées en France.

8 portraits de 8 femmes venant d’horizons variés sont publiés, pour valoriser la vie qu’elles se sont construites en France, les liens tissés, et la résilience dont elles font preuve.

 

Rania, Syrienne de 41 ans, tient fermement à sa liberté de vivre et de penser. En décalage, de son propre aveu, avec la société syrienne qui la trouvait trop indépendante, elle remercie la France de lui avoir permis d’affirmer qui elle est : « en France, j’ai découvert que j’étais libre ». 

Des rencontres décisives pour commencer une nouvelle vie

 

En sept ans de présence en France, Rania ne s’est pas départie de ses convictions et de sa détermination, qui lui ont permis de soulever des montagnes. Elle insiste également sur les rencontres décisives qu’elle a faites quand elle est arrivée en Ile de France après quelques mois passés à Annecy. Sans logement, elle entre en contact avec des bénévoles à la Croix Rouge française qui l’aident à accéder à un hébergement. C’est eux également qui l’aideront à apprendre le français et l’invitent à participer aux activités associatives de l’association dans la ville de Chatou. 

Le Secours catholique du Vésinet devient également une seconde maison : « j’ai participé à tous les ateliers, aux repas. C’était une belle époque parce que ça m’a permis de découvrir les traditions françaises, par exemple pourquoi on mange la galette des rois, les crêpes…» Rania ne veut surtout pas s’enfermer dans la communauté syrienne, qui « restait toujours dans la douleur du nombre de morts de la guerre ». Rania, elle, souhaite « commencer une nouvelle vie le plus vite possible », elle se sent bien en France avec les Français : « je suis là, je veux vivre là ». Après 8 mois à l’hôtel, Rania intègre un dispositif d’hébergement de personnes réfugiées à Chatou. Elle y reste près de 3 ans, ce qui lui permet d’avoir une certaine stabilité et d’aborder plus sereinement sa vie en France.

A chaque étape, une opportunité

 

Hyperactive, Rania s’implique sur tous les fronts : apprentissage du français, formation, emploi, actions associatives, soutien à des personnes réfugiées. D’une motivation sans faille, elle participe avec enthousiasme à tous les projets visant à favoriser l’intégration des réfugiés. Elle tombe malheureusement malade, doit se faire opérer à plusieurs reprises et sombre dans la dépression. Mais l’espoir représenté par la liberté acquise en France la remet sur pieds. Elle réussit en quelques années à obtenir une licence en LEA à la Sorbonne tout en travaillant en maison de retraite et en tant que caissière en parallèle.

Rania voit tout comme une opportunité : « À chaque fois que je dois faire quelque chose, je veux me prouver que je suis capable et je prends ces obstacles comme des défis. Par exemple, pour mon poste, je me suis dit « je dois me prouver que je peux avoir le CDI ». Ainsi, alors qu’elle étudie à la Sorbonne, elle intègre l’UNEF et se rend même au congrès annuel en 2020 à Lille . Du haut de ses 40 ans, elle fait plein de découvertes : « j’étais la seule vieille et la seule réfugiée, mais j’étais heureuse d’entendre la motivation des personnes présentes »

Actuellement en formation « hospitalité, médiation, migration » à l’Inalco, où elle est déléguée de promotion, cumulée à une formation en informatique de trois mois grâce au programme Action Elle Emploi organisé par le département des Yvelines, elle souhaite mettre à profit son parcours et sa motivation pour aider à son tour les personnes réfugiées. Rania a intégré le conseil d’administration de l’association UNIR Université et refugié.é.s et elle contribue à l’organisation et communication des ateliers collectifs au programme Intercultur’elles qui accompagne les femmes réfugiées dans leur insertion académique et socio professionnelle. 

Son objectif est clair :

 

« J’ai eu beaucoup d’opportunités de découvrir plein de domaines en France ; je souhaite jouer un rôle positif dans la société française, où je peux aider les réfugiés et les Français à bien s’entendre ensemble et rassembler les gens. » Une autre étape importante sera l’acquisition de la nationalité française : « J’ai commencé à avoir la mentalité française en tant que femme libre, qui a eu la sécurité ici, a eu du soutien. Je serais fière d’obtenir la nationalité française. » Et même si elle se sent intégrée, elle a soif de plus : « Je me sens intégrée mais je veux plus. Je veux avoir la confiance de mes proches français. Je veux devenir une composante de la société française. Je ne veux pas seulement vivre en sécurité, je veux jouer un rôle pour dire merci. »

« Ce n’est pas facile d’être une femme seule en France »

 

Une ombre au tableau : le jugement porté par la société française sur les femmes seules pour elle qui n’a ni conjoint ni enfant : « une femme seule, c’est toujours mal vu ». « Pourquoi elle est là ? » « Qui est derrière elle » ? J’ai découvert que même en France, une femme doit avoir un mari et des enfants. Ça m’a choquée. Je suis blessée qu’on me demande toujours pourquoi je ne suis pas mariée. » 

Mais son constat est également amer face aux obstacles auxquels sont confrontées les femmes avec enfants : « Durant cette phase, j’ai eu la chance de ne pas avoir d’enfant, ce qui m’a donné le temps de m’intégrer dans la société. Des femmes avec des enfants ne peuvent pas se déplacer aussi facilement pour apprendre le français, ces femmes ont des difficultés à avoir un réseau. C’est très difficile pour une femme avec des enfants d’avoir des amis, une vie sociale ou associative alors que c’est très important ». D’où l’enjeu de créer du lien, de démultiplier les programmes de mentorat et d’accompagnement individualisé pour aider les femmes à accéder à l’Université et de manière plus générale à s’intégrer dans la société française afin d’être libres et indépendantes. 

 

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