Lors du sixième anniversaire du Programme Volont’R, Elizabeth Kostyakina, une jeune artiste ukrainienne, a interprété des musiques de sa composition et de sa culture.

Passionnée depuis son enfance par la pratique de la musique, du théâtre et de la danse, la vie de cette étudiante de l’académie de musique de Kyiv est bouleversée par la guerre en février 2022. A 20 ans, Elizabeth poursuit désormais ses études de marketing à la Schiller International University de Paris, tout en lançant sa carrière professionnelle dans la musique.

Dans l’échange qui suit, Elizabeth revient sur son parcours d’intégration en France, en tant que bénéficiaire de la protection internationale.

 

Comment votre intégration en France s’est-elle déroulée ?

Elizabeth : Je n’aurais jamais pensé me retrouver un jour à Paris, mais suite à l’invasion russe, j’ai candidaté dans des facultés parisiennes. Lorsque j’ai reçu la lettre d’acceptation de l’université, ma vie a changé. Au mois d’août 2022, je suis arrivée à Paris. Dès mon arrivée, je me suis rendu au centre pour les réfugiés ukrainiens où j’ai obtenu la protection temporaire internationale. Ensuite, j’ai procédé, seule, à l’obtention de tous les autres documents nécessaires. Honnêtement, le processus d’intégration n’est pas une tâche facile.

 

Avez-vous reçu de l’aide de la Maison de l’Ukraine de la Cité internationale universitaire de Paris ? Quel rôle a-t-elle joué dans votre intégration ?

Elizabeth : Depuis mon arrivée, nous avons été en contact avec La Cité Universitaire. Elle a joué un rôle capital dans mon intégration puisqu’elle nous a offert la possibilité de louer un logement. J’ai dû sacrifier plusieurs éléments participant à mon confort afin d’être dans mon budget. Par exemple, dormir dans un dortoir, chose qui ne m’était jamais arrivé auparavant. Cependant, cette opportunité a participé à mon intégration grâce aux rencontres avec des étudiants internationaux ainsi que des compatriotes ukrainiens.

La Maison de l’Ukraine de la Cité internationale universitaire de Paris met en place de nombreuses initiatives, cela nous donne l’occasion de réaliser notre potentiel créatif, de nous changer les idées et de coopérer avec des personnes talentueuses.

Elle a joué un rôle crucial dans mon intégration ! Je suis extrêmement reconnaissante du soutien apporté aux Ukrainiens de la Cité et de la création d’une Maison de l’Ukraine virtuelle, et je tiens à remercier tout particulièrement son directeur, Bertrand Cosson.

 

Comment avez-vous pris votre décision de venir en France? Et comment avez-vous été accueillie en France en tant que réfugiée ukrainienne ?

Elizabeth : Me rendre à Paris a été une décision difficile à prendre. Je n’avais jamais imaginé connaître la guerre un jour. Une guerre aux conséquences effroyables. Les troupes russes étaient proches de la banlieue de Kyiv, par conséquent, nous avons décidé de quitter temporairement l’Ukraine et les abris anti-bombes (le métro) où nous étions.

Beaucoup de questions se sont bousculées : où ? Comment ? Pour combien de temps ? Que faire ? Allons-nous un jour rentrer chez nous ? Des millions de questions sans réponse. Face à nous, le stress, l’inquiétude pour nos familles et nos amis restés en Ukraine, l’incertitude et l’aspect matériel.

Lorsque vous quittez votre pays d’origine, vous faites face à de nombreux défis. Par exemple, le sentiment de ne pas être à sa place coexistant avec un sentiment de culpabilité et d’incrédulité à l’égard de ce qui se passe dans votre pays d’origine. Cela a tendance à nuire à votre santé mentale.

Ce que j’ai appris, c’est que la vie doit continuer d’une manière ou d’une autre. C’est pourquoi, j’ai commencé à chercher un emploi et des possibilités d’études à l’étranger. Après un long processus de recherche, j’ai trouvé l’option qui me convenait et ainsi décidé de venir à Paris.

Pour nous rendre en France, nous avons traversé la Pologne et l’Allemagne, c’était particulièrement éprouvant. Tout au long de ce chemin laborieux, nous avons rencontré de nombreuses personnes chaleureuses, nous leur en sommes extrêmement reconnaissants.

 

Nous avons vu que vous aviez affiché votre soutien à votre pays d’origine ainsi que votre fierté d’être ukrainienne. Comment conciliez-vous aujourd’hui votre attachement à votre pays d’exil et votre intégration en France?

Elizabeth : Je suis et resterai toujours ukrainienne. J’aime mon pays et j’éprouve une grande fierté à son égard et pour son peuple. Je ressens le besoin d’être utile et d’aider de toutes les manières possibles.

Pour ma part, je l’exerce en faisant des dons, en partageant des informations sur les crimes russes sur les médias sociaux, à travers ma musique, en interagissant avec mes amis internationaux sur mes expériences. Diffuser la culture ukrainienne dans le monde entier participe aussi au soutien à mon peuple, qui plus est, elle mérite d’être connue.

Le quotidien n’est pas si facile notamment la distance avec ma famille qui n’est pas en sécurité. Parfois, vous vous retrouvez entre deux mondes et vous n’arrivez pas à comprendre comment quelque chose d’aussi désastreux peut se produire juste à côté de gens qui vivent dans une réalité totalement différente. Coexister dans ces deux réalités peut s’avérer très compliqué et déroutant.

 

Pouvez-vous nous parler de la chanson que vous avez choisi de publier : pourquoi avez-vous fait ce choix? Qu’évoque-t-elle pour vous ?

Elizabeth : Sur la vidéo, je chante « Choven » (« Le bateau ») d’Odyn v kanoe. À l’origine, les paroles de cette chanson étaient un poème du poète ukrainien Ivan Franko. Cette chanson utilise l’allégorie du bateau pour illustrer la vie et la façon dont les gens peuvent se perdre dans l’océan de la vie, sans savoir où ils vont. Ils flottent sur les vagues sans savoir où ils vont finir.

Cette idée résonne beaucoup avec ce que je ressens, et je dirais même ce que ressentent beaucoup de personnes. Un sentiment d’incertitude face au présent et d’anxiété face à l’avenir.

Mais ce que j’aime le plus dans cette chanson, c’est qu’elle vous incite à ne pas perdre espoir. Peu importe que la vie soit parfois difficile, il y a toujours de l’espoir pour un avenir meilleur. Et j’espère vraiment un avenir meilleur pour mon peuple et pour l’humanité en général !

 

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