Visant à lutter contre le déclassement professionnel, le projet Séminai’R, dans sa première déclinaison, a eu pour vocation de donner un aperçu des opportunités professionnelles et des dispositifs de reprises d’études au sein du secteur juridique, en association avec le Barreau de Paris.
Séminai’R, qu’est-ce que c’est ?
Le projet Séminai’R a été conçu par la cellule Afghanistan de la Délégation, et a été pensé suite à la prise en charge des ressortissants afghans rapatriés en France avec la chute de Kaboul. Julia-Marie Penner, chargée de projet Afghanistan, revient sur les origines de ce projet :
« C’est un projet qui est en élaboration depuis un certain temps déjà. Dans le cadre de la prise en charge des Agents de Droit Local et de la mission APAGAN, on a constaté que de nombreuses personnes évacuées exerçaient dans le milieu juridique et étaient avocates, juges ou défenseures des droits de l’Homme en Afghanistan. En France, ces personnes, du fait de leur situation d’exil, ne peuvent pas exercer dans ce domaine, où les professions sont réglementées et difficilement accessibles. »
En effet, parmi les personnes évacuées d’Afghanistan, certaines d’entre-elles avaient entrepris de longues études juridiques et exerçaient des métiers dans ce même domaine. Ce projet a donc pour objectif de lutter contre le déclassement professionnel que les ressortissants afghans peuvent expérimenter à leur arrivée, en raison notamment de l’absence de reconnaissance de leurs diplômes en France.
Pourquoi « Séminai’R » ?
De ces problématiques est né Séminai’R. Pourquoi ce nom ? Car séminaire vient du latin seminarium, « pépinière » en français, venant lui-même de semen, la graine.
Le projet Séminai’R consiste à cultiver une graine de savoirs, c’est-à-dire donner des informations sur l’insertion professionnelle dans le domaine juridique en France auprès de ressortissants afghans. Dotés de ces connaissances, ces derniers peuvent ainsi faire germer cette graine de savoirs par la reprise d’une formation ou d’une carrière juridique au sein de la société française. La floraison !
En quoi a consisté la première édition de ce projet ?
Afin que ces informations soient accessibles à tous et toutes, ce projet a pris la forme d’un webinaire de 7 sessions entre le 2 mars et le 13 avril 2023.
La spécificité de Séminai’R repose notamment sur le fait que chaque séance a été dispensée en dari par des intervenants dariphones afin que les personnes concernées accèdent à l’information dans leur langue d’origine, sans avoir à se soucier de la barrière de la langue française. Le projet a été conçu pour permettre aux participants de réfléchir à leur projet professionnel tandis qu’ils suivent par ailleurs des cours de langue française.
La première session qui a eu lieu le 2 mars était une introduction générale et théorique au système juridique français et a été très suivie, par près de 70 personnes. Ensuite, ce sont entre 40 et 50 personnes qui ont assisté chaque semaine, pendant 7 semaines, aux webinaires, qui portaient à chaque fois sur des aspects du monde juridique : la profession d’avocat, de juriste, le plaidoyer. Parfois, le sujet de la session allait au-delà du juridique, avec un focus sur les métiers du social et de l’accompagnement des étrangers en général ou sur la manière de mettre en valeur ses compétences professionnelles dans un CV et une lettre de motivation. Pour chaque séance, une fiche reprenant les informations essentielles a été publiée sur le site de la Diair, en version française et dari.
Toutes les sessions ont été animées par un interprète et traducteur expert, Rohullah Sidiqullah, et par un juriste ayant exercé comme responsable juridique et enseignant, Nadjib Djanbaz. Afin de fournir des informations les plus pertinentes possibles, à chaque session des invités sont intervenus pour partager leurs expériences : Farhad Attae, coordinateur de l’incubateur SINGA, Shayda Hessami, fondatrice et directrice générale de l’association Aide Humanitaire et Journalisme, Anarkali Honaryar, militante en faveur des droits humains, Ajmal Sultani, intervenant social chez FTDA, Poala Salazar, directrice adjointe chez Uni-R ainsi qu’un étudiant accompagné par ce dernier, et des étudiants de l’université de Montpellier et en D.U. Passerelle à l’université Paris-Cité.
Cette première édition aura permis de faire découvrir certaines structures, et de donner des outils aux participants, leur permettant ensuite de les utiliser pour développer leur projet professionnel.
Séminai’R : quelles perspectives d’avenir ?
Cette première édition a donc été orientée uniquement vers le milieu juridique, mais l’ambition reste de pouvoir la décliner vers d’autres professions et domaines, comme le médico-social ou le paramédical. De même pour la langue : le projet a été pensé en dari, mais certains participants ont d’ailleurs suggéré qu’il soit également présenté en pachto. Le contenu pourrait donc tout à fait être décliné et traduit en d’autres langues à l’avenir. Le format de ce projet pourrait aussi être discuté : suivre un webinaire permet aux auditeurs éloignés de Paris d’y assister, mais d’une part, il requiert d’être à l’aise avec les outils numériques, et, d’autre part, il limite le renforcement du lien social entre des réfugiés préoccupés par la même problématique professionnelle. Il ressort plus globalement que ce type d’initiative est très apprécié. Les personnes sont demandeuses d’informations pratiques et de dialogue les unes avec les autres.
Affaire à suivre donc, pour une prochaine édition de Séminai’R !