Voici l’histoire d’un CAP comme il en existe tant d’autres, en l’occurrence dans le bâtiment, mais destiné aux jeunes réfugiés d’Ille-et-Vilaine : il dure 3 ans et combine la formation professionnelle en alternance, avec l’apprentissage intensif du français.

L’initiative revient au CFA du bâtiment de St Grégoire (Rennes) appuyée par la fédération régionale du BTP. Cette initiative s’est formalisée par la signature d’une convention entre les pouvoirs publics et la fédération française du bâtiment, afin de proposer à 15 000 jeunes de devenir des bâtisseurs. C’est ce qui a convaincu le préfet de la région Bretagne de soutenir ce CAP.

Au départ donc, une offre de formation classique pour répondre à des besoins économiques. Mais aussi la volonté de tous les partenaires de s’engager comme citoyens. Chaque projet d’intégration a son histoire et son environnement propre. C’est pourquoi, si les promoteurs de ce CAP l’appellent « CAP + », à la Diair nous préférons l’appeler le « CAP Breizh + » parce qu’il rassemble toutes les caractéristiques d’un produit typique qui reflète deux vertus cardinales, le professionnalisme et l’engagement. Nous avons demandé à ses promoteurs de nous l’expliquer.

Un dernier mot : la fédération régionale du BTP et le CFA envisagent d’étendre la formule à toute la Bretagne en 2019 : souhaitons-leur bonne chance !

 

  1. Quels besoins de main d’œuvre dans le BTP en Bretagne ?

Après une période récessive de 2008 à 2016, l’activité dans le secteur en Bretagne s’est amplifiée (+5,7% en volume en 2017), générant ainsi de fortes tensions sur l’emploi. Cette inversion de tendance est notamment portée par la construction très dynamique de logements ces deux dernières années. Les perspectives sont également positives jusqu’à l’horizon 2021 mais dans une moindre mesure compte tenu du tassement de l’activité en construction neuve. La période actuelle de tension sur l’emploi se traduit par des intentions de recrutement à 2 600 projets en 2017 et 2 900 en 2018 sous forme d’emplois durables (CDD de plus de 6 mois et/ou CDI).

À noter que 82% de ces projets de recrutement sont jugés difficiles et ce, dans tous les métiers. Ainsi, à l’horizon 2021, les besoins en emplois seraient de 6 800 emplois dont 4 000 sur des postes d’ouvriers de production. Si l’on ajoute les départs en retraite et la mobilité, les besoins seraient de 24 000 salariés d’ici 2021. Face à cette situation la FFB Bretagne a souhaité s’engager dans des opérations innovantes concourant à améliorer les tensions et difficultés de recrutement.

 

  1. Pourquoi les migrants ?

Historiquement, le secteur du BTP est intégrateur de tous publics, de toutes origines et les grandes vagues de construction se sont toujours accompagnées d’une ouverture vers des personnes en recherche d’emploi et d’intégration.

 

  1. L’engagement social de la branche pour l’intégration des réfugiés

La FFB s’est engagée en juillet 2018 dans un plan « 15 000 bâtisseurs »  à recruter 15 000 personnes issues des quartiers sensibles, réfugiés ou éloignés de l’emploi. Les entreprises du BTP portent un intérêt marqué vers l’inclusion sociale dans une perspective d’intégration, d’évolution professionnelle, de mixité de publics et de progrès social.

 

  1. Combien de CFA concernés ? Combien de migrants ? Pour quelle durée ?

En Bretagne ce sont plus de 250 personnes réfugiées et/ou issues d’un pays hors Union Européenne qui ont intégré les 4 CFA du bâtiment pour apprendre un métier du bâtiment et s’intégrer par la voie de l’apprentissage.

 

  1. Le rôle des partenaires publics :

Pour accompagner de façon plus efficace l’intégration des réfugiés, le Préfet de Bretagne a souhaité, courant 2018, mettre à jour le schéma régional d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés (SRADAR) de Bretagne. Ce document prend en compte les nouvelles orientations de l’État, issues de la loi « asile – immigration » et clarifie le rôle attendu des principaux acteurs en matière d’accueil, d’hébergement et d’intégration des étrangers. L’intégration des réfugiés passe par trois axes forts que sont :

  • l’apprentissage de la langue,
  • l’insertion professionnelle,
  • l’accès au logement.

Il comporte cependant un préalable, la signature du contrat d’intégration républicaine (CIR), première étape du parcours d’intégration. L’objectif recherché est de mettre en place et de proposer aux personnes bénéficiaires de la protection internationale un parcours « intégré », reposant également, au niveau local, sur un pilotage coordonné des dispositifs de formation, d’accès à l’emploi et au logement.

Ces thématiques impliquent de nombreux acteurs, au regard de leurs champs de compétences respectifs :

  • Les administrations publiques
  • Le Service public de l’emploi (SPE) : Pôle emploi et Missions locales (prescripteurs / relations entreprises), ainsi que l’AFPA
  • Les organismes de formation et les CFA
  • Les employeurs au travers des branches professionnelles, de leurs OPCA (financeurs de formation) et de leurs organisations, en tant qu’acteurs du dialogue social
  • Les organisations syndicales, en tant que représentants des salariés d’entreprises au sein desquelles seront accueillis les réfugiés notamment.

Dans le cas présent, sollicité par la FFB, les services de l’Etat (DIRECCTE) se sont mobilisés et ont fait preuve de réactivité, de souplesse et d’adaptation pour accompagner financièrement, avec le Conseil régional de Bretagne, le CFA du bâtiment de Saint Grégoire (35), pièce maîtresse du dispositif. Au-delà du soutien financier, les services de l’État ont conforté la recherche de jeunes réfugiés candidats. Ils ont enfin apporté la sécurisation juridique nécessaire en ce qui concerne le statut des personnes vis-à-vis de l’emploi.

 

  1. L’ingénierie :

Les bénéficiaires arrivent via le réseau d’acteurs partenaires, du CFA Bâtiment d’Ille et Vilaine, en charge de l’accompagnement social (Mission locale, PRISME, COALIA, EPIDE, St Benoit Labre…)

Ils sont hébergés chez nos partenaires associatifs disposant de structures adaptées (PRISME, COALIA, St Benoit), mais également au sein des foyers de jeunes travailleurs, voire parfois en colocation avec un accompagnement spécifique du conseil départemental. Nous travaillons avec chacun d’entre eux sur leur projet professionnel : une présentation de notre secteur de la construction et en particulier des métiers en tension est faite par notre « point conseil ».

Avec nos partenaires Missions Locales et Pôle emploi, nous leur proposons un stage en entreprise (PMSMP) pour valider leur choix. Ensuite, en concertation avec le Fédération et notre réseau d’entreprises, nous effectuons des mises en relations.
Nous proposons un accompagnement complémentaire aux dirigeants, mais également aux maitres d’apprentissage pour que l’intégration s’effectue de façon sereine.

Cette année, nous accueillons 92 étrangers hors espace Schengen. Pour la majorité d’entre eux, cela ne nécessite pas d’accompagnement particulier car ils ont déjà eu un parcours d’intégration avant d’arriver au CFA (via l’éducation nationale, MLDS…) ou sont déjà à un niveau de formation supérieur, tel que 1ère BAC PRO, BTS… Pour les autres (environ 20 %), nous pouvons distinguer deux catégories :

  • Les Mineurs non-accompagnés (MNA) qui, de droit, ont une autorisation de travail s’ils sont accompagnés par l’ASE. La problématique d’autorisation de travail et donc de la poursuite de leur contrat d’apprentissage arrivera lors de leur majorité.
  • Les majeurs qui nécessitent un accompagnement du CFA de St Grégoire, étant autonomes.

Le CFA : Bâtiment CFA Ille-et- Vilaine / ingénierie propose un CAP sur 3 ans, dont la première année se décompose ainsi : 

Tous les lundis et un mardi par mois : présence des apprentis migrants au CFA. Ils reçoivent des cours de FLE, initiation aux mathématiques, du dessin technique et travaillent sur un projet de livre numérique. Le reste de la semaine, les apprentis sont dans leur entreprise. L’objectif est de les accompagner dans la globalité : apprendre le français (lire et écrire niveau A2 minimum), accompagner pour l’hébergement, la mobilité, les soins médicaux, des démarches administratives…

 Comment les entreprises ont-elles été choisies ?

  • Avec le soutien et le réseau de la Fédération Française du Bâtiment,
  • Sur les conseils de certains formateurs pro du CFA,
  • Par l’intermédiaire du point conseil du CFA.
  • Par l’intermédiaire des annonces d’emploi (site internet Le Bon Coin ou via les réseaux sociaux).

En fin de campagne, sur les 40 entreprises sollicitées : la grande majorité a répondu positivement. Les motifs de refus s’expliquent pour diverses raisons :

  • L’équipe était complète fin juin,
  • Diverses problématiques de mobilités ne leur permettaient pas d’accueillir des apprentis hébergés sur Rennes,
  • La barrière de la langue constituait un obstacle,
  • Des craintes inhérentes au contrat 3 ans se sont manifestées (coût, gestion du contrat dans la durée…).

Au final : 12 entreprises ont signé un CAP+ avec 16 jeunes.

 

  1. Le coût

Pour cette action, nous disposons d’une subvention du Conseil Régional de Bretagne sur les temps consacrés à la formation FLE, d’une subvention de la DIRECCTE sur les temps complémentaires nécessaires dans l’aide au choix professionnel, le positionnement, la mise en relation et la médiation, pour le reste, cette action s’équilibre financièrement par le biais du financement conventionnel actuel.

 

  1. Les principaux enseignements

Nous distinguons deux types de profils :

  • Les allophones n’ayant pas eu la chance d’avoir un enseignement dans leur pays d’origine. De ce fait, tout est à construire pour développer les compétences nécessaires à l’emploi,
  • Les personnes ayant atteint le niveau de français A1 ont pu bénéficier de cours de français (200 heures par l’OFII).

Il nous faut donc faire des groupes de niveau avec un maximum de 8 apprenants par groupe. La motivation des réfugiés est grande, c’est un moyen pour eux de s’intégrer dans un dispositif de droit commun, de gagner de l’argent, de devenir autonome. En bref, de s’en sortir. Le retour des entreprises laisse à penser que les acquis professionnels sont intégrés progressivement. Au bout d’un an, les migrants sont en mesure d’exécuter des tâches simples en autonomie.

A ce jour, sur nos deux années de référence, 25 jeunes ont intégré le CAP+ et aucune rupture de contrat n’est à constater.

 

  1. Comment essaimer ?

Le modèle organisationnel et pédagogique du CAP + pourrait, après d’éventuelles améliorations, être proposé à d’autres acteurs de la formation sous la forme d’un Label. Ce label pourrait s’accompagner d’une formation de référents dans les établissements concernés afin d’assurer d’une cohérence d’ensemble.

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