En octobre 2020, la Diair s’est associée au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) et à l’Institut français des relations internationales (Ifri) pour mettre en œuvre l’Académie pour la participation des personnes réfugiées.

Ce sont six femmes et six hommes qui animent, avec leur vivacité d’esprit et leurs idées innovantes, la première promotion 2021 – 2022. Afin de mettre à l’honneur leurs parcours d’engagement, la Diair leur consacre une série de portraits.

 

Une vie en exil

Du haut de ses 21 ans, Adam a déjà une longue vie d’exil derrière lui. A 12 ans , il est contraint de quitter sa Syrie natale avec sa famille pour fuir vers la Turquie. D’ethnie turkmène, la famille d’Adam parle non seulement l’arabe, mais également un dialecte turc qui leur est particulièrement utile une fois arrivés en Turquie. Sept ans s’écoulent dans ce pays de premier asile, au cours desquels Adam est scolarisé jusqu’au bac et ses parents vivotent en travaillant la terre pour des agriculteurs turcs. A 18 ans, il ne peut étudier et travaille alors dans un hôpital en tant qu’interprète pour des réfugiés syriens. En 2019, c’est une nouvelle vie qui commence : Adam, son frère et ses parents sont réinstallés en France, à Lille plus précisément, laissant derrière eux l’un des frères et les deux sœurs d’Adam, tous mariés.

 

Une soif d’intégration

Adam ne souhaite qu’une chose : s’intégrer au plus vite en France. Dès son arrivée, il apprend le français seul, via des applications. Quand vient le test de langue dans le cadre du Contrat d’intégration républicaine, il est dispensé de la formation car son niveau de français est trop élevé: son auto-formation a payé ! La soif d’apprentissage d’Adam n’a pas de limites. Il souhaite absolument faire des études et, pour avoir des réponses à ses questions, crée quelques jours après son arrivée un groupe facebook “les étudiants arabes en France”. 1 000 personnes rejoignent le groupe en deux semaines ! C’est là qu’il entend parler du programme Wintegreat (devenu EachOne), qu’il rejoint en septembre 2019 au sein des locaux de Sciences Po Lille.

Après son discours à la remise des diplômes de Wintegreat, il rencontre le directeur et la directrice adjointe de Sciences Po Lille, qui lui demande ce qu’il voudrait faire plus tard et s’il a pensé aux sciences politiques?  Lui qui envisageait une licence de LEA commence à y réfléchir.  Il obtient rapidement un rendez-vous avec des responsables de Sciences Po Lille : “On a discuté, j’ai expliqué pourquoi je souhaitais intégrer l’IEP . Mon français était moins bon, ça ne faisait même pas un an que j’étais en France!” Après avoir présenté un essai sur les politiques d’intégration et un entretien, Adam intègre Sciences Po Lille en septembre par dossier comme les autres étudiants (le concours n’a pas été mis en place du fait de la  crise sanitaire). Seul réfugié au sein de cette école prestigieuse, il est conscient d’avoir ouvert une voie qui pourrait permettre à d’autres réfugiés d’en bénéficier. Il ressent une pression, d’autant que son parcours n’a rien d’une sinécure et que la crise sanitaire le frappe, comme tous les étudiants, de plein fouet :

“Le volume de cours, pour moi, c’était trop au départ. Les cours sont vraiment très intéressants. Mais je n’avais aucun contact avec les étudiants pendant le confinement, c’était un peu catastrophique, je me sentais isolé. Des étudiants ont proposé de m’aider, mais j’ai hésité, surtout qu’on ne se voyait jamais. Je ne connaissais absolument pas les dissertations, les conférences de méthodes, les exposés! J’avais des problèmes dans la prise de notes et la méthode. Les enseignants parlaient très rapidement, je perdais parfois ma concentration.” 

Au premier semestre, il n’a pas pu valider toutes les matières et risque donc d’aller aux rattrapages, en fonction de ses résultats du 2nd semestre. Il regrette, sans vraiment le dire, que certains enseignants se soient focalisés sur son niveau de français plus faible que les autres. Pour de futurs étudiants réfugiés, il suggère ainsi d’organiser des formations pendant l’été pour mieux les préparer.

 

S’impliquer pour les autres

Malgré son emploi du temps chargé, Adam n’oublie pas les autres. Il a donc rejoint l’association Interagir qui cherche à créer du lien entre les personnes de la rue et les commerçants, sans toutefois pouvoir s’impliquer autant qu’il l’aurait souhaité. Le social l’intéresse tellement qu’il a fait un stage dans un CHU hivernal de l’association qui l’a accueilli à son arrivée. En parallèle, il continue à être l’administrateur principal du groupe facebook qu’il a créé et qui compte maintenant 18 000 inscrits. Un rapprochement avec l’Union des étudiants exilés (UEE) est à l’étude. Et pour l’année prochaine, il a déjà le programme EachOne en ligne de mire, cette fois-ci en tant que buddy et non en tant que bénéficiaire !

Dans cette quête de progrès et d’apprentissage, Adam découvre l’appel à candidatures pour l’Académie par l’intermédiaire du Forum des Syriens sur facebook et de l’UEE. Il postule avec l’un de ses amis.

“Quand j’ai lu le post, je savais qu’avec ça, on pourrait aider des gens qui sont comme nous. C’était une manière de sortir de notre cercle et d’intégrer des instances, des conseils d’administration. C’était une opportunité d’expliquer les difficultés que les réfugiés rencontrent dans leur intégration en France et d’améliorer la situation dans laquelle ils vivent.”

Être lauréat est une fierté

Pour Adam, être lauréat, “c’est le bonheur, c’est vraiment une fierté. Ce qui m’inspire, c’est le parcours des personnes expertes qui interviennent lors de nos réunions et leur engagement pour intégrer des bénéficiaires dans leur travail.” Adam a été tout particulièrement inspiré par le travail de la fondation la France s’engage. Il reste encore indécis sur son souhait d’intégrer une instance. Tout l’intéresse, mais il avoue être tenté par un jury de comité de sélection.

Adam se sent intégré, mais en toute humilité, comme à son habitude, il juge qu’il a encore besoin de temps pour être intégré parfaitement “parce qu’il y a encore beaucoup de choses que je ne connais pas sur la vie de manière générale en France ”. Dans cinq ans, Adam souhaiterait être diplômé de l’IEP de Lille et, à terme, travailler dans la diplomatie, ce qui est son rêve. Il espère également que la naturalisation suivra rapidement!

 

Son message pour les personnes réfugiées ?

Il ne faut jamais abandonner et toujours faire de son mieux pour y arriver, jamais arrêter. Il faut profiter de toutes les occasions pour bien s’intégrer et sortir de l’idée d’être simplement une personne réfugiée.
De la même manière, il espère que les Français réussiront à ne pas voir les personnes réfugiées uniquement comme des personnes réfugiées, mais à les considérer comme n’importe quel autre être humain et à devenir leurs amis.

 

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