AccueilPortrait#4 Portrait – Lauréate de l’Académie : Josiane

#4 Portrait – Lauréate de l’Académie : Josiane

Le long chemin de Josiane, lauréate de l'Académie, atteste d’une résilience extraordinaire.

22 juin 2021In Portrait

En octobre 2020, la Diair s’est associée au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) et à l’Institut français des relations internationales (Ifri) pour mettre en œuvre l’Académie pour la participation des personnes réfugiées.

Ce sont six femmes et six hommes qui animent, avec leur vivacité d’esprit et leurs idées innovantes, la première promotion 2021 – 2022. Afin de mettre à l’honneur leurs parcours d’engagement, la Diair leur consacre une série de portraits.

Le long chemin de Josiane, lauréate de l’Académie, atteste d’une résilience extraordinaire. D’origine burundaise et mère de 4 enfants, Josiane est une femme de 44 ans qui raconte avec ferveur un parcours semé d’autant de déceptions que de surprises, découvertes et rencontres. Si l’incertitude s’est souvent invitée chez elle ces dernières années, elle demeure animée par une positivité marquée et un regard tourné vers l’avenir.

 

Une première rébellion : présage d’une carrière rayonnante

 

Cédant au gré de son père d’avoir une fille avocate, Josiane accepte de s’inscrire à la faculté de droit. Elle ne tarde pas, en revanche, à réaliser que cela ne la passionne pas autant qu’elle l’aurait souhaité. Elle annonce sa décision courageusement à son père. Elle bifurque par après vers une faculté de communication au sein d’une université privée qui propose des cours le soir. Cela l’amène ensuite à découvrir sa nouvelle passion : peaufiner ses compétences journalistiques. Elle travaille le matin et étudie le soir. Sa carrière de journaliste démarre au sein de deux radios locales, avant que Josiane réussisse à intégrer la Radio des Nations Unies (en 2004) où elle présente le bulletin quotidien d’information avant de rejoindre l’unité des publications de la Mission des Nations Unies, où elle rédige des articles pendant 6 mois.

Ensuite, forte de son aisance en rédaction, Josiane embarque en mission de rédaction en langue française et anglaise au sein de la Section droits de l’homme et justice du Bureau des Nations Unies, un emploi qui durera plus de 9 ans. Cette expérience lui permet d’acquérir rapidement une connaissance approfondie sur le fonctionnement des instances et organisations internationales.

«Je me suis amplement épanouie durant cet emploi. Les missions se multiplient progressivement, et j’ai été amenée à organiser des activités de sensibilisation et de plaidoyer, et à piloter un nombre de programmes portant notamment sur l’intégration des notions des droits de l’homme dans les écoles, et sur les personnes vulnérables »

L’exil : une éternelle escale

En 2014, lorsqu’elle apprend que le bureau où elle travaille va fermer, elle refuse de se démotiver. Au contraire, elle se précipite pour passer un concours à l’Ambassade des États-Unis à Bujumbura, à l’issue duquel elle reçoit une offre d’emploi en tant que Media Assistant en charge de la communication et des relations avec la presse. L’occasion pour elle d’étoffer son réseau de contacts.

Mais cette ascension professionnelle se voit brutalement mise en suspens; “Rien ne dure à jamais” constate Josiane avec amertume. En effet, l’annonce du 3ème mandat de l’ancien président Pierre Nkurunziza, largement contesté par la société civile, impose la question du départ à Josiane et à sa famille : son profil et celui de son mari, un journaliste réputé, sont de nature à déranger le pouvoir.

Une destination proche se présente alors comme une solution temporaire : le Kenya (où l’exil sera temporaire du fait de difficultés administratives). En effet, leurs passeports expirant bientôt, le gouvernement burundais exige la présence sur place pour toute demande de renouvellement. Il n’est pas question pour Josiane de ramener la famille au Burundi et la recherche d’une alternative s’annonce laborieuse. Le choix doit alors s’opérer entre, d’un côté, les Etats-Unis où Josiane maintient de bonnes relations avec ses anciens collègues à l’ambassade américaine, et la France, d’un autre côté, où la carrière de son mari s’est construite grâce à de multiples collaborations avec les médias français.

« Au bout d’un moment, il fallait admettre qu’aucune carrière ne pouvait déterminer, à elle seule, notre prochain itinéraire. Une question nous a recentrés et remis tout au clair :  où grandiront nos enfants ? »

Étant francophone, la famille choisit la France où l’installation se déroule de manière souple, estime Josiane. Celle-ci apprécie particulièrement que ses enfants soient d’emblée affranchis de la barrière de la langue. Néanmoins, l’adaptation à l’environnement et au contexte nécessite un engagement singulier, ajoute-elle.

Trouver un emploi constitue pour Josiane une préoccupation qui marque les premiers mois de son séjour en France. C’est grâce à des personnes formidables que Josiane trouve un emploi au sein d’une organisation. Mais elle va vite être confrontée à une dure réalité : son statut de réfugiée est le seul désormais qui la caractérise. Aux oubliettes ses 15 années d’expériences professionnelles et ses diplômes universitaires, une réfugiée ne peut pas accomplir de tâches intellectuelles, mais techniques. Initialement proposée pour un poste de chargée des relations avec les médias, l’offre proposée se voit déclassée à un poste d’« assistante administrative ».

« Bien évidemment, j’avais des attentes quand je suis arrivée. Ce déclassement est pour le moins disproportionné. Ce sont 15 ans d’expérience que je porte en moi avec un diplôme en communication ».

Pourtant, il n’est pas question pour Josiane d’abandonner. En 2018, c’est la rencontre d’une personne « compétente et extraordinaire » de Pôle emploi qui va tout changer pour elle. Cette accompagnatrice estime pertinent d’orienter Josiane vers l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) où elle apprend à travers des formations à faire concorder son profil professionnel avec plusieurs offres sur le marché français du travail, tel que celle de chargée de veille, d’attachée de presse, de chargée de la communication, de documentaliste ou de rédactrice. Fin 2019, en tant que chargée de veille et d’une lettre d’information, Josiane intègre Orphanet Inserm, l’institut national de la santé et de la recherche médicale. Cela lui permet de se relancer et marque un nouveau point de départ vers une carrière réussie en France. Elle démarre au même moment, fin octobre 2019, un Master 2 en relations internationales à l’IRIS-Sup, à l’issue duquel elle obtient aussi en parallèle un autre diplôme à l’université de Bretagne Occidentale intitulé ‘Administration et gestion des organisations internationales et diplomatie’. Depuis, elle a pu faire incuber son projet de plateforme, de plaidoyer et de communication sur les femmes Sociétés et Prospectives, qu’elle a lancé en juin 2021.

 

« On n’a pas envie d’être cantonné au rôle qu’on nous a dévolu »

L’appel à candidatures pour lancer la première promotion de l’Académie, envoyée à Josiane par une association, a instantanément suscité son intérêt. Avec beaucoup d’enthousiasme, elle dépose une candidature qui la conduit à être retenue et désignée lauréate. Quelques mois à peine depuis le début de cette aventure, Josiane se dit amplement satisfaite de la manière dont l’Académie est forgée et animée par ses lauréats.

« L’Académie nous donne cette opportunité que l’on nous refuse par ailleurs. Les réunions sont l’occasion de se sentir à l’aise, de s’exprimer, d’échanger et d’organiser. Cela donne lieu à un sentiment de confiance en soi, de reconnaissance, et d’intégration ».

De plus, la rencontre régulière avec des intervenants extérieurs intéresse tout particulièrement Josiane. En effet, engagée auprès de nombreuses structures associatives, elle tente toujours de se recentrer pour contribuer aux débats et causes qui l’animent.

 

Son message aux réfugiés

Pour Josiane, l’intégration est une recette à ingrédients simples. Elle peut se réaliser dès lors que l’on « respecte les valeurs républicaines, travaille pour une autonomie durable et met la main à la pâte » dit-elle avec un sourire sérieux.

« La France est ma seconde patrie. Je ne sais pas si je reverrai le Burundi. Donc, il faut rester résilient, humain et joyeux. Il faut tenir à nos valeurs et essayer d’avoir une vie harmonieuse ici »

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