En octobre 2020, la Diair s’est associée au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) et à l’Institut français des relations internationales (Ifri) pour mettre en œuvre l’Académie pour la participation des personnes réfugiées.

Ce sont six femmes et six hommes qui animent, avec leur vivacité d’esprit et leurs idées innovantes, la première promotion 2021 – 2022. Afin de mettre à l’honneur leurs parcours d’engagement, la Diair leur consacre une série de portraits.

 

Farah est une jeune femme d’origine syrienne à l’engagement fort. Diplômée en Sciences Politiques en Syrie, elle intègre un Master en « relations économiques internationales ». Mais dans ce coin du monde prévaut un seul point de vue, un seul avis : celui du régime au pouvoir. La prise de position intransigeante de Farah lui attire de graves ennuis et menaces : « L’union des étudiants, c’est comme le service d’intelligence à l’intérieur de l’université. J’avais de très bonnes notes, mais j’ai décidé d’arrêter. Je ne supportais plus ces conditions ».

 

L’exil  : une éternelle escale

 

À l’heure où le départ s’est imposé fin 2016, quitter le pays, le premier défi de cette famille, se fait dans la précipitation. C’est l’oncle de Farah qui vit en France depuis plus de 35 ans qui parvient à leur sécuriser un visa leur permettant de fuir la dégradation d’une situation déjà insoutenable. Présage d’un avenir proche laborieux, l’itinéraire s’avère tortueux : de la Syrie au Liban, puis inopinément en Grèce du fait d’un atterrissage en urgence, avant de gagner la France fin 2016. 

 

Peu après leur arrivée, Farah est informée d’une autre raison, jusque-là gardée scrupuleusement secrète, qui rendait d’autant plus obligatoire leur départ de Syrie : sa mère est atteinte d’un cancer. « Nous avons passé notre première année en France à l’hôpital », dit-elle tout en conservant un sourire dénotant la double difficulté de s’adapter à leur nouvelle vie. Une chose leur a toutefois permis de prendre du recul dans ces circonstances troublées. La possibilité d’accéder au soin de qualité dont sa mère avait tant besoin : « Le système sanitaire en France nous a beaucoup aidés ».

 

A Dreux, où la famille amorce son installation, se trouve une grande communauté de personnes issues de l’immigration. Les cours proposés aux étrangers se font rares. Ceci complique d’autant l’apprentissage de la langue, avec une vie sociale quasi inexistante. C’est d’autant plus difficile à concevoir que Farah parle aujourd’hui un français irréprochable, elle qui ne connaissait qu’une seule phrase avant son départ je suis perdue, qui, elle renchérit, lui a beaucoup servi au début. 

 

Bien qu’elle soit autodidacte et astucieuse, Farah décide d’optimiser son apprentissage en intégrant une formation certifiante en FLE. Elle trouve une formation proposée par le Greta qui se trouve à 45 minutes de marche depuis chez elle. Sans la moindre hésitation, elle, avec sa sœur, s’inscrit à cette formation en janvier 2017 où les cours « étaient très bénéfiques et leur ont fait largement avancer ». 

 

Une fois installée en Ile-de-France, et le niveau B1 en poche, elle s’inscrit au DU passerelle de l’université de la Sorbonne consacré aux étudiants exilés mais les disparités des niveaux des étudiants et la lenteur d’apprentissage ne correspondaient pas à son envie de progresser rapidement. C’est la raison pour laquelle elle a, avec d’autres étudiants, signé une pétition, sa première contestation en France.  « On a signé une pétition, on a parlé au responsable, on a tout fait pour changer ! Je m’en réjouis même si cela n’a pas abouti à grand-chose ». Ensuite, Farah avant de faire partie de la promotion de Wintergreat en 2018. « Je ne supportais pas le fait d’être muette faute de la langue. Je suis bavarde et donc en apprentissage de langue, je suis extrêmement avide ».  

 

Désireuse d’effectuer un master en sciences politiques, Farah se heurte à la récalcitrance des grandes écoles qui semble se justifier par des résultats d’anciens étudiants réfugiés très inférieurs aux attentes. Elle parvient cependant à intégrer un master en sociologie à l’EHESS et dédie son mémoire à l’insertion professionnelle des personnes exilées en s’appuyant sur le partenariat entre son école et la Croix Rouge. La complexité de la terminologie et l’absence d’intérêt à l’insertion professionnelle obligent Farah à prendre du temps pour elle avant de reprendre en 2019, avec beaucoup de bouleversements cette fois-ci, engendrés par la crise sanitaire. 

 

En France depuis 4 ans et demi, Farah voit l’engagement bénévole comme un vecteur d’intégration, même quand on ne dispose pas d’un niveau de français suffisant. Pendant les cours de français au centre culturel de Dreux, Farah se libérait du temps pour venir appuyer l’apprentissage de ses camarades qui ne parlaient aucun mot en français. En Ile-de-France, motivée par l’engagement de celles et ceux qui l’entourent, à l’université et aux associations desquelles elle est rapprochée,, elle s’engage au sein de maraudes pour apporter de l’aide à des personnes sans-abri. 

 

l’Académie : un couronnement pour l’engagement

 

Farah veille à rester informée de ce qui se passe autour d’elle et suit les actualités traitant de l’immigration et de l’intégration. C’est ainsi qu’elle découvre l’Académie pour la participation des réfugiés. Cette découverte constitue un moment fort en émotions pour elle car la participation est un sujet qui la passionne. Une fois sélectionnée, Farah rejoint l’Académie avec des idées plein la tête. 

 

« Il y a trois ans je parlais de la participation politique des personnes réfugiées et l’idée faisait rire les gens. Je me sens légitime pendant les réunions et les instances, je me sens à ma place et je suis ravie de mettre mes compétences et mon expérience à profit de l’évolution de la réalité de l’intégration en France. Je n’ai pas le droit de vote, mais la participation ne passe pas uniquement par les urnes, nous pouvons nous faire entendre, et il ne faut jamais arrêter de combattre pour se faire entendre». 

 

La lauréate de l’Académie assume son choix de porter en elle de nombreuses causes qui, elle le dit, construisent son identité. Féministe et alliée indéfectible de la population LGBTQI+ ; Farah se donne les moyens pour faire avancer les débats, surtout au sein de la communauté syrienne en France. Avec une présence marquée sur les réseaux sociaux, elle continue à alimenter les réflexions sur les questions sociétales et la défense des droits et libertés. L’exil s’étant imposé à elle, il devient naturellement, ainsi que les droits des personnes exilées, l’une de ses préoccupations fondamentales. 

 

« J’essaie d’être un espace sécurisé pour plein de monde, des gens qui ne trouvent pas ça dans leur famille. C’est une chaîne que j’aime bien voir grandir et développer. Il y a beaucoup de Français qui s’intéressent à mes causes. Je m’intéresse à ce pays qui devient mon pays. On découvre de nouvelles causes et tout est lié. C’est intersectionnel. Il faut juste avoir l’envie et commencer ».

 

Son message aux personnes réfugiées

 

Je vois l’exil comme un marathon. La question est de savoir gérer son énergie. Pas trop rapidement, pas trop d’énergie. Ce sont la durabilité et l’agilité qui importent. Il faut souffler, réfléchir entre les décisions et veiller à ne pas gâcher les opportunités parce qu’on ne les aura pas toujours. Il faut oser se féliciter, se critiquer et se réévaluer.

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