Pour accueillir au mieux les réfugiés et favoriser leur intégration, les villes françaises avaient jusqu’à présent à leur disposition plusieurs types de contrats (CTAIR, PTAIR…). Désormais, les démarches vont être valorisées et ajustées en fonction des territoires avec le label « Territoires d’intégration« .

Le délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés, Alain Régnier, expose sa vision et le développement de ce futur label.

Alain Régnier, préfét

Comment est née l’idée des « Territoires d’intégration » ?

Depuis trois ans et demi, je souhaite construire un projet partant des besoins des territoires. De son côté, la Direction générale des étrangers en France (DGEF) avait aussi lancé une démarche de contractualisation partant du même constat. Nous avons décidé de faire un projet commun : territoires d’intégration. Il vise à couvrir tout le territoire national, quelle que soit la taille des collectivités. L’objectif est de partir d’une initiative locale et d’essayer d’en faire un projet d’intégration pour les réfugiés mais aussi pour les primo-arrivants. Cette année, c’est le démarrage, nous verrons à partir des résultats comment en faire un véritable label.

 

Quelle est votre vision de ce futur label ?

Nous changeons d’échelle et de cible. C’est une amorce de labellisation. Il nous semblait prématuré de définir maintenant ce que serait cette labellisation en termes d’engagement des partenaires, de la société civile, des entreprises, des collectivités et de l’État. Nous sommes plutôt sur une phase de foisonnement de projets. En 2022, nous verrons si nous sommes prêts à constituer un cahier des charges du territoire d‘intégration qui permettra d’aller plus loin que le concept et le logo, et faire une charte d’engagement des territoires et de l’État par rapport au public.

 

Les personnes réfugiées et primo-arrivantes vont-elles également collaborer davantage aux politiques locales ?

Oui, nous avons mis en place au niveau national une Académie pour la participation des personnes réfugiées. L’idée est de la décliner au niveau des territoires. C’est-à-dire de positionner les personnes en tant qu’acteurs des politiques publiques, qu’elles n’en soient pas simplement l’objet. Cette dimension de construction commune est un élément, je pense, très positif des CTAIR. Il y a, bien sûr, encore des progrès à faire dans ce domaine.

 

Les CTAIR et les PTAIR vont devenir des CTAI et des PTAI pour aller vers des « Territoires d’intégration », qu’est ce qui change ?

Ces CTAI – contrats territoriaux d’accueil et d’intégration – pourront s’adresser, pour ceux qui le souhaitent, aux primo-arrivants en plus des réfugiés. Il y a toute une gamme possible de contractualisation en fonction du territoire. Nous avons conservé le titre de « projets territoriaux », les PTAI, peuvent être monothématiques, alors que les CTAI sont très souvent pluriels en termes de thématiques. Je crois fortement que la France est un pays qui sera de plus en plus décentralisé. Si l’État fixe le cap au niveau national, c’est aux territoires et aux élus locaux de mettre en œuvre ces politiques au niveau local, d’une manière intelligente pour atteindre les objectifs fixés.

 

Quels retours avez-vous des territoires qui ont mis en place un CTAI ?

Nous avons tenu l’Agora, la rencontre nationale annuelle des acteurs de l’accueil et de l’intégration, à Lyon en octobre dernier, avec le thème « le territoire, clef d’une intégration réussie ». Nous avons récemment réuni les 18 territoires pour un comité de pilotage. Le CTAI, ça marche. Les acteurs sont satisfaits. Je crois aux territoires, je crois que c’est en prenant en compte les besoins des personnes que nous trouverons les bonnes politiques publiques.

 

L’idée pour les « Territoires d’intégration » serait de faire des contrats d’un renouvelable, comme pour les CTAIR. Pourquoi pas de contrat pluriannuel ?

La loi de finance en France est annuelle. Donc nous ne pouvons pas d’emblée nous engager juridiquement sur du pluriannuel. Même si, depuis 2018, ce gouvernement nous donne les moyens financiers. Nous avons 4 millions de financements pour les contrats territoriaux cette année. La DGEF ajoute 5,2 millions. Malgré cette situation sanitaire et ses difficultés sur le budget, le gouvernement maintient ses engagements.

La Diair a décidé de mutualiser ses moyens avec la DGEF autour d’une action, Territoire d’intégration. Le but est de donner plus de liberté aux territoires dans la mise en place de leur Contrat territorial d’accueil et d’intégration (CTAI). Celui-ci intègre également un nouveau public : les étrangers primo-arrivants. En effet, les collectivités territoriales sont l’échelle adéquate pour accompagner les initiatives de rapprochement entre ces personnes et la société civile. Tout le territoire national est concerné, des grandes villes urbaines aux petites communes plus rurales. 20 des 30 plus grandes villes de France sont engagées dans un contrat d’intégration. Les villes de taille moyenne et les territoires ruraux sont encouragés à se mobiliser, ils représentent des potentiels d’accueil non négligeables et cela pourrait accélérer la dynamique de leurs territoires.

La première étape de diagnostic territorial est en cours au niveau national. En collaboration avec les acteurs locaux, il s’agit de compléter les dispositifs de droit commun. La main est laissée aux territoires pour définir leurs propres enjeux dans différents domaines comme l’accès à la santé, au logement, etc.

Pour une cohérence nationale, les CTAI et PTAI sont unifiés dans une communication d’ensemble avec un logo national qui pourra valoriser ces territoires.

 Zoom sur des Territoires d’intégration

Le CTAIR à Dijon (21)

L’idée de départ : Intégrer les personnes réfugiées au même titre que les autres sur le territoire de la métropole dijonnaise.

  • Les objectifs fixés : Assurer aux réfugiés leur pleine citoyenneté dans les divers champs de la vie quotidienne (social, culturel, mobilité, santé) et amener les habitants de la Métropole à changer leur regard sur les réfugiés, par le développement d’initiatives favorisant la compréhension des situations ou de la rencontre.
  • Les spécificités du territoire : C’est l’association Cesam, qui travaille depuis longtemps avec les réfugiés, qui est porteuse du projet. Une action spécifique a été mise en place depuis un an : Ensemble !. Elle permet de porter les différents dispositifs avec l’appui d’éducateurs et d’animateurs
  • Le coordinatrice : Françoise Tenenbaum, vice-présidente de Dijon Métropole déléguée à la citoyenneté, aux politiques sociales et à la santé
  • Le projet : Les dispositifs regroupent les MJC, ces centres sociaux de toutes les communes de la Métropole, les services de la ville, la direction des sports, la CAF, l’Assurance maladie et tous les lieux de culture. Il y a aussi des acteurs de la vie quotidienne pour apprendre à faire du vélo par exemple, un garage solidaire, France Bénévolat, et des associations d’insertion comme la Croix rouge, Coallia, l’ASDA.
  • À retenir : Le territoire donne les clés de la citoyenneté aux personnes réfugiées grâce à un large travail de coopération avec les acteurs du territoire.
Le PTAIR à Autun (71)

L’idée de départ : En 2013, le préfet coordinateur à l’accueil des réfugiés auprès du président de la République a sollicité la ville. De plus, certains habitants d’Autun accueillaient des familles réfugiées de manière spontanée et cela devait être encadré.

  • Les objectifs fixés : Accueillir des familles en proposant un suivi individualisé.
  • Les spécificités du territoire : Ville de 14 000 habitants qui connaît un dépeuplement. Il y a donc des places en crèches, des logements sociaux vacants et des postes à pourvoir dans les entreprises et les services publics.
  • Le coordinateur : Vincent Chauvet, le maire d’Autun, avec le service de la direction sociale et urbaine.
  • Le projet : Des comités de pilotage ont été mis en place localement pour que les acteurs se parlent et puissent traiter de manière individuelle les cas. Par exemple, pour trouver des solutions de covoiturage pour amener les enfants à l’école quand les parents n’ont pas de voiture ou accélérer l’embauche d’une personne. Un panel d’actions et de dispositifs qui a permis aux réfugiés de s’insérer facilement dans les activités de la ville.
  • À retenir : Le programme de réussite éducative permet un suivi individualisé des enfants. Il est associé à d’autres acteurs comme les clubs sportifs, les centres sociaux, le pôle médiation, etc.
Le CTAIR à Lyon (69)

 

  • L’idée de départ : Mise en avant accélérée du Logement d’abord.
  • Les objectifs fixés : Les points prioritaires à travailler sont l’intégration des jeunes de moins de 25 ans, l’accès au parc privé plutôt que le parc social uniquement, l’accès à l’emploi via la formation et la capacité pour les travailleurs sociaux de la Métropole d’orienter ces personnes avec un profil administratif particulier.
  • Les spécificités du territoire : Pour mener à bien toutes ces missions, une personne dédié a été recrutée CTAIR a été ouvert en 2019. Elle est chargé d’animer le contrat et de venir solliciter les services de la Métropole pour les remettre au cœur de certaines politiques publiques comme l’accès au logement social.
  • Le coordinateur : Benjamin Damasco, chargé de mission accueil et intégration des réfugiés
  • Le projet : À la Métropole de Lyon, la priorité a été mise sur l’accès au logement : des places dédiées sont réservées, avec pour objectif d’arriver à 60 accessions par an dans le parc social par le public réfugié. Les réflexions se tournent aussi vers des axes parallèles : comment porter de nouveaux projets pour faciliter l’accès au logement quand les personnes sortent de CADA ? C’est toute une approche globale qui est faite pour atteindre l’objectif principal de leur fournir un logement.
  • À retenir : La Métropole de Lyon réfléchit à amener plus d’inclusion au cœur de ses projets. Permettre un partage, des rencontres interculturelles, et pas uniquement des projets descendants. Cela nécessite un changement d’échelle.
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