A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, la Délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés (DIAIR) a souhaité mettre en avant Maylis et son parcours d’intégration en France en tant que femme réfugiée. Maylis, réfugiée palestinienne, a obtenu la nationalité française et est devenue  assistante de recherche au sein de l’école de commerce Eklore. Elle prépare une thèse de recherche sur les politiques publiques en matière d’intégration des femmes réfugiées en France. Elle nous livre son histoire, récit jalonné  de défis, de rencontres et de combats. Mailys souhaite faire entendre sa voix pour toutes les femmes réfugiées qui traversent l’épreuve de l’exil.

 

Comment s’est passée ton arrivée en France ? 

 

Je m’appelle Maylis et je suis originaire de Palestine. Je suis arrivée en France en 2018 en tant que demandeuse d’asile avec mes deux enfants. Ma demande d’asile a duré 1 an et 8 mois, et cela a été la période la plus difficile de ma vie. J’ai quitté la Palestine pour fuir la guerre et sauver mes enfants. Je ne voulais pas qu’ils vivent ce que j’ai vécu. Enfant, j’ai reçu un impact de balle sur mon visage. La cicatrice que j’ai est là pour me rappeler de l’occupation et des conditions de vie en Palestine. On est venu en France pour chercher la paix, la dignité et la liberté.

Je suis arrivée à Bordeaux avec mes enfants en avion, et j’ai failli faire demi-tour. Il y avait beaucoup de monde, il faisait très froid (on n’avait qu’une petite veste), ce n’était pas comme chez nous. Je me suis sentie apeurée et perdue. Est-ce que je veux rester, partir ? La France n’était pas la destination favorite à cause de la langue, mais j’ai quand même fait le choix de rester.

Je suis arrivée à la SPADA et j’ai été accueillie par Thomas, un intervenant social, qui était très engagé sur la cause palestienne et qui a décidé de s’occuper de ma famille. Je suis encore en contact avec Thomas aujourd’hui et il a été un véritable soutien dans cette première démarche qu’est l’arrivée en France. Nous avons ensuite été orientés vers Pau, ville dans laquelle je réside encore aujourd’hui.

 

Comment s’est passée ton intégration à Pau ? 

 

Notre arrivée à Pau a été très compliquée, puisque je ne connaissais pas la culture française, comment les gens pensent, leurs regards. C’était difficile et en tant que femme, je me suis senti privée de plein de droits.

Le référent dans le CADA m’a donné une adresse pour des évènements organisés régulièrement avec des personnes réfugiées. Je m’y suis rendue et j’ai fait la rencontre de personnes françaises, impliquées sur la question de la Palestine. Peu à peu ces personnes sont devenues mes amis, avec qui j’ai partagé des moments de vie. Il y a une famille qui chaque week-end est venue nous chercher pour qu’on passe du temps chez eux, ensemble avec les enfants. Ils ont bien compris ce que l’on cherche, ce n’est pas de la pitié mais de la compréhension. Grâce à eux, j’ai pu avoir accès à la culture française et par ce partage, j’ai pu découvrir des fromages français, les Pyrénées, l’histoire du Béarn. Ce sont ces moments, et ces personnes que je n’oublierai jamais.

 

Au bout de combien de temps as-tu obtenu ta protection ? 

 

Après 1 an et 8 mois, j’ai eu la décision et j’ai obtenu le statut de réfugié. J’étais si contente. Puis j’ai réalisé, comment peut-on être heureuse car on a eu le droit d’être réfugié ? Moi, je suis née réfugiée chez moi au sein d’un camp de réfugiés. Je n’ai pas compris pourquoi j’étais contente, est-ce que cela me donne la certitude d’être là, d’avoir des clés ? Oui, c’était une clé pour une porte : l’intégration.

 

Que représente l’intégration pour toi ?

 

J’ai choisi d’être intégrée dans la société en gardant mon identité. Récemment, je me suis présentée comme Française et Palestinienne. On m’a fait remarquer que je ne ressemble pas à une Française. Je leur ai dit « mais être française ça ressemble à quoi ? Si je suis française, c’est que je l’ai mérité ». Je suis française désormais aujourd’hui et j’en suis très fière. J’ai compris cela grâce à ma fille. Je ne suis pas à moitié palestinienne et à moitié française. Je suis complètement des deux.  Je lutte contre les stéréotypes qu’un étranger reste un étranger. Non, on est une personne complète, à part entière, qui peut s’intégrer dans la société à part entière.

La diversité pour moi, c’est la France. L’intégration, c’est une bataille que tu ne peux pas faire tout seul. On a vraiment besoin de la société et réciproquement. Sans les autres, je ne pourrais pas y arriver. Aujourd’hui, je souhaite améliorer la société dans laquelle je vis. La société travaille aussi pour mon bien. C’est une opération dans les deux sens. Je veux changer les stéréotypes sur les personnes réfugiées.

Ne maitrisant pas le français, on m’a proposé un emploi comme femme de ménage. Je n’ai pas souhaité exercé dans ce domaine. Je me suis dit que j’ai un master, je parle deux langues, je veux trouver un emploi dans le domaine que je veux et trouver ma voie.

Je me suis inscrite dans un DU passerelle et ça m’a permis d’apprendre le français et de continuer dans une voie où je me sentais utile. Je me suis ensuite inscrite en thèse pour réaliser un doctorat sur l’intégration des femmes réfugiées. Je remercie mes deux encadrants qui ont cru en moi. Je commençais à sentir que je servais à quelque chose dans cette société. Lorsque j’ai eu ma nationalité française, un de mes directeurs de thèse m’a dit « Je suis content pour la France. Je suis sûr que vous allez changer quelque chose dans la société et que vous allez porter quelque chose ».

 

Comment te présentes-tu face à d’autres femmes réfugiées après ton expérience ?  

 

Quand je me présente devant des réfugiés, c’est avec une fierté totale. On ne peut pas imaginer la trajectoire de l’autre personne, surtout pour les femmes seules, mais je peux m’imaginer leurs peines, leurs souffrances, qu’elles se sentent seules et découragées. Le défi, c’est d’avancer. Si on lâche, c’est fini. Je sens que j’ai une double responsabilité : pour la société qui m’a accueillie et pour la société de laquelle je viens. J’essaye de changer les stéréotypes des femmes réfugiées. Oui, en tant que femme réfugiée on vit des choses innommables,  mais on a des forces insoupçonnées.

 

Qu’est-ce que tu conseilles aux femmes réfugiées arrivant en France ?

 

Qu’elles regardent devant elles, et que surtout elles ne se découragent pas.  C’est ce que je répète à mes enfants. Quand les femmes que je rencontre me disent que la langue française, c’est difficile, je les rassure : bien entendu c’est dur mais ce n’est pas insurmontable !

 

Quels messages pour toi est-il important de faire passer à nos lecteurs ? 

 

Je lutte pour que toutes les femmes aient leurs choix de vies respectés et que leurs droits, tels qu’inscrits dans la loi, soient réellement appliqués. Pour cette journée des droits des femmes, je souhaite également que toutes les femmes dans le monde aient la paix et qu’elles trouvent leurs forces. Elles attendent juste à être découvertes et utilisées.

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